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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
1 décembre 2024
Catégories
Tourisme
Type
L’Église Saint-Martin de Marcourt et l’ermitage Saint-Thibaut
Juchée sur les hauteurs du charmant petit village de Marcourt, l’église Saint-Martin domine les maisons étagées vers l’Ourthe sinueuse qui coule dans la vallée. Depuis ce promontoire, une vue imprenable s’offre aux visiteurs, dévoilant la chapelle Saint-Thibaut, perchée sur la colline voisine, comme un phare au milieu des arbres. Ce paysage idyllique fut pourtant en 1944, il y a 80 ans aujourd’hui, le décor d’une tragédie que rappelle le nom de la rue « des martyrs ».
C’est à l’occasion des journées du Patrimoine – cette année centrée sur l’accessibilité – que nous nous rendons à l’église Saint-Martin de Marcourt. Une volée d’escalier ombragée par deux grands arbres mène au perron. Pour les personnes à mobilité réduite, une autre possibilité d’atteindre l’église existe. Il faut remonter la rue des martyrs 200 m après le parking pour entrer par la grille du vieux cimetière. C’est le chemin que nous prenons pour nous promener entre ses murs classés où nous découvrons d’intéressantes pierres tombales du 16e et du 17e s.
Des seigneurs en armure, comme le chevalier Grégoire de Masbourg (1573) y côtoient des paysans. La pierre tombale singulière de Marie-Françoise de Marcouray (1819) très finement cisélée retient notre attention par la finesse et la naïveté de sa représentation. Elle est probablement réalisée enpierre d’Ottré, un matériau lisse très doux au toucher et aisé à graver. Derrière la sacristie, un grand mémorial devant lequel flotte le drapeau belge rappelle que ce lieu paisible fut le théâtre d’une tragédie en septembre 1944 : en représailles de l’attaque des maquisards au pont de Marcourt, les allemands non contents de brûler le village, enfermèrent dix habitants dans une grange, leur tirant dans les jambes pour les immobiliser avant de les faire brûler vif. Un seul d’entre eux s’échappa miraculeusement… On retrouve les neufs autres sur le mémorial. Cet épisode douloureux fait l’objet d’une exposition permanente dans le bâtiment qui fait face à l’église, également incendiée à l’époque. Il s’agit d’un des nombreux baraquements « provisoires » qui furent construits rapidement pour reloger les habitants.
Contournant toujours l’église pour entrer, nous remarquons encore les subtils changements de maçonnerie, les parements extérieurs et pierres d’encadrement de différentes tailles. Elles indiquent les changements successifs que connu l’église depuis le 11ème siècle. La tour défensive de l’entrée date du 14ème mais la majeure partie de l’église a été rebâtie au 17ème en style roman.
Pour entrer dans la tour, il reste encore trois petites marches à franchir en s’accrochant à la rampe d’appui pour arriver à l’intérieur de l’église. Il n’y a malheureusement pas de rampe d’accès permettant aux chaises roulantes d’entrer.
Dans le fond de l’église on peut lire sur le confessionnal l’année de sa réalisation entre les cinq anges joufflus qui le décorent : 1643. La chaire à prêcher est ornée de représentations émouvantes des quatre évangélistes. Des photographies commentées de détails des retables des autels aident à en identifier les représentants. Le maître-autel de style baroque dont un chronogramme indique la date de réalisation – 1673 – est dédié à Saint Martin (décédé en 397). Fêté le 11 novembre, il fut évêque de Tours, aussi nommé « Martin le miséricordieux ». On peut voir sur les autels latéraux, deux autres retables : à droite, La Vierge et l’enfant donnant le scapulaire à saint Simon Stock en guise de protection ; à gauche, une Vierge et l’enfant à l’écoute de saint Charles Borromé la priant d’intercéder auprès des pestiférés. Ce tableau offert par Sire Charles Jamotte, curé à Marcourt de 1636 à 1674 et fondateur de la chapelle saint Thibaut et de son ermitage a la particularité de l’intégrer lui-même dans la représentation : en bas à gauche.
Que faire à proximité ?
Non loin de l’église Saint-Martin, sur la colline opposée, se dresse la chapelle Saint-Thibaut, lieu de pèlerinage et de recueillement. On peut y accéder à pied par un chemin qui grimpe à travers bois depuis Marcourt, ou en voiture en faisant le détour par les villages de Warizy et Hodister… Une route cahoteuse qui mène à 300 m de l’ermitage Saint Thibaut.
Perdue au milieu des bois, la chapelle construite par l’abbé Jamotte en 1639 sur les ruines de l’ancienne forteresse des Montaigus, offre depuis sa terrasse un point de vue spectaculaire sur les villages de Marcourt et Marcouray. On peut encore voir une partie du mur d’enceinte du château ainsi qu’une grande croix dédiée à Saint Thibaut en haut de la butte calvaire, sommet de la colline qui fait face à la chapelle. Un petit ermitage de deux pièces fut accolé à la chapelle quelques années plus tard. Des ermites s’y sont succédés jusqu’en 1968.
Michel et Christine Prémont nous y accueille chaleureusement autour du poêle à bois. Namurois tous les deux, ils font partie du comité des amis de la chapelle et se définissent comme « gardiens de la chapelle ». Avec d’autres bénévoles, ils y accueillent les nombreux pèlerins de passage plusieurs fois par semaine. Chaque année, deux grands pèlerinages s’y déroulent encore : le premier samedi de juin pour l’invention de la Sainte-Croix de Sainte-Hélène, et le premier samedi de juillet en l’honneur de Saint-Thibaut (mort le 30 juin 1066).
À l’intérieur de la chapelle l’autel baroque est dédié à Saint-Thibaut et à la Vierge. La pierre d’autel en pierre est marquée de la croix des Croisiers, 4 croix. Elle proviendrait du château et des comtes de Montaigu qui firent les croisades avec Godefroid de Bouillon. « Mais le véritable trésor de la chapelle est le reliquaire en argent contenant les reliques de la vraie croix et celles de Saint-Thibaut » explique Michel Prémont.
Sur les murs de nombreux exvotos témoignent d’un culte encore bien vivant « Beaucoup de petites chaussures, des cannes… illustrent la dévotion à Saint-Thibaut souvent invoqué pour protéger les enfants et les problèmes concernant les membres inférieurs, problèmes de marche etc… explique Christine. L’eau de la « source qui ne tarit jamais » à 200m de la chapelle, serait aussi miraculeuse. « S’en frictionner ou en boire, faciliterait les guérisons » précise-t-elle. Une destination priante qui peut donc être bénéfique à de multiples égards…
Christine Gosselin