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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
27 octobre 2023
Catégories
Patrimoine
Saints et saintes
Spiritualité
Tourisme
Type
Saint-Mort de Haillot, deux fois mort et pourtant bien vivant…
Sur les hauteurs d’Andenne, aux limites des villages de Haillot et de Coutisse, dans la commune de Ohey, le souvenir de ce saint, mort deux fois il y a plus d’un millénaire est, lui, encore bien vivant ! La chapelle Saint-Mort reçoit aujourd’hui encore les visites régulières de pèlerins venant vénérer saint Mort qui vécut en ces lieux. Les prières et invocations actuelles concernent principalement les maux de dents ou les problèmes de marche des jeunes enfants.
De saint Mort, on sait peu de choses. Il aurait vécu de 673 à 753. Enfant mort-né, sa mère, très pieuse, voulut qu’il fût présenté devant l’autel de la Bienheureuse Vierge Marie de la Vignette (Huy) à laquelle elle adressa, en larmes, sa prière. Miraculeusement, l’enfant y reçut la vie. Il y fut également baptisé et on lui donna le nom de « Mort ». Il vécut en toute humilité une vie d’ermite, donnant tout son bien aux pauvres et s’appliquant à servir Dieu avec une grande simplicité de cœur qui le faisait aimer de tous, et notamment des dames du monastère d’Andenne. On raconte que, jeune homme, Mort gardait les troupeaux de Begge. On raconte qu’au son de la cloche du monastère appelant les religieuses à l’office, Mort s’agenouillait au milieu de son troupeau pour prier, mais on le voyait également chaque jour agenouillé devant l’autel à la messe, tant il voulait y être. Sainte Begge s’en étonnant, lui demanda un jour qui gardait les bêtes pendant ce temps. Voyant son trouble, Begge compris que par la grâce divine, le garçon avait le don d’ubiquité, lui permettant d’être présent dans deux endroits différents en même temps.
Un jour, on découvrit sa dépouille dans les bois. Il avait près de 80 ans. Les dames d’Andenne firent dépêcher un chariot sur les lieux pour ramener son corps, mais une fois celui-ci sur le chariot, les chevaux ne voulurent plus avancer. On finit donc par les laisser aller librement. Abandonnés à eux-mêmes, sans conducteurs, les chevaux amenèrent le corps à l’église Notre-Dame de la Vignette, où saint Mort avait été présenté à sa naissance. C’est donc là qu’on l’enterra entre deux piliers de la nef. « Les malades venus à son tombeau jusqu’aujourd’hui y sont guéris, pour l’honneur de Dieu et la louange de son nom, de la goutte, du mal de dents et d’autres affections ». À cause de la consonance semblable de leur nom, on le confond parfois avec l’abbé Maur, disciple de saint Benoît qui fut également sanctifié, mais il s’agit bien de deux saints distincts. Saint Mort n’ayant jamais vécu en abbaye. C’est donc de manière erronée qu’on le présente parfois dans l’habit bénédictin.
La chapelle de Haillot, dédiée à Saint-Mort, fut construite à l’endroit où le saint aurait installé sa hutte pour vivre en ermite. Elle pourrait bien dater – tout au moins son chœur – de 1621 comme indiqué sur la clé de voûte de la porte. Elle est érigée en un lieu tout à fait particulier au niveau géologique, ce qui explique qu’elle accueille en son centre une pierre énorme, dite « pierre Saint-Mort » – oreiller ou/et siège de saint Mort – que l’on peut apercevoir dans l’arche percée dans l’autel en bois qui la surplombe. Cette pierre est un mégalithe : un « poudingue », c’est-à-dire une pierre – dont la texture ne permet ni de la polir, ni de la tailler, ni même de l’utiliser en maçonnerie – apportée en cet endroit précis pour marquer, vraisemblablement, l’endroit d’où jaillissait une source. La chapelle se situe effectivement sur un ancien sommet d’où sourdent sept sources dispersant leurs eaux en éventail. Les pèlerins ne manquent pas d’emporter chez eux, par dévotion, un peu de terre meuble recueillie en raclant des doigts les alentours humides de cette pierre.
Le culte de saint Mort est encore très vivant et des pèlerins viennent régulièrement se recueillir dans la chapelle ou en faire le tour trois fois contre les problèmes de marche des jeunes enfants. Les zincs extérieurs qui couvrent le chœur de la chapelle sont parsemés de graffitis de tous ces visiteurs venus honorer le saint depuis plus d’un siècle. On lit des dates comme 1905, 1920, 1952… Ces zincs seront prochainement remplacés par des nouveaux en raison de leur effritement mais place leur sera faite dans la nef où ils seront conservés.
Au cours des années, la chapelle fit l’objet de nombreuses restaurations portées par le Comité Saint-Mort, une équipe d’une dizaine de bénévoles très actifs, qui chaque année organisent pour réaliser ces travaux, trois grand-messes à la chapelle suivies de repas pour plus de 400 convives ! Le premier week-end d’août, lors de la procession de saint Mort, mais aussi le deuxième week-end d’octobre, et le troisième d’avril.
La petite chapelle s’est ainsi vue dotée d’un nouveau toit, le jubé a été étançonné, les faux-plafonds évacués, l’église entièrement repeinte. Et les bancs du XVIIe siècle volés lors d’une journée du patrimoine avec la statue de saint Mort, remplacés par des nouveaux. Une énergie inépuisable qu’ils mettent au service de saint Mort, sous l’égide duquel ils ont toujours vécu.
Christine Gosselin