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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
27 février 2024
Catégories
Pastorale de la Santé
Type
Nicole Dehoy, «ré-humaniser les relations, renforcer les liens contre la discrimination»
En ce mois de février, après 15 années de service comme assistante paroissiale, Nicole Dehoy prend sa retraite. Si la décision est prise, il semble plus difficile de mettre fin à certaines activités. Car Nicole est allergique à tous ces termes en « isme » qui caractérisent des attitudes discriminantes dans le rapport à l’autre : l’âgisme, le sexisme, le racisme, le capacitisme ou validisme (discrimination envers les personnes ayant un handicap physique ou mental) … Et cela, paradoxalement, au profit d’un autre concept en « isme », l’un des plus beaux, l’altruisme ! Une disposition qu’il ne faut pas chercher loin chez Nicole ! Cette ouverture bienveillante, ce souci de l’autre, elle les porte déjà sur son visage et ils ne sont pas prêts de prendre leur retraite…

« Lors de ma dernière année de formation en diététique, j’ai eu l’occasion d’effectuer des stages en milieux hospitaliers. J’ai découvert que je me sentais proche des personnes malades, le contact se nouait facilement, spontanément » explique Nicole Dehoy.
Et pourtant, c’est dans un laboratoire à Bruxelles qu’elle commencera sa carrière jusqu’à ce qu’elle rencontre Patrick Louis, son futur mari, et l’accompagne dans le vert pays de Bastogne où elle découvrira le travail en pastorale.
Nicole et Patrick ont cinq enfants, trois filles et deux garçons. Ils sont aujourd’hui déjà quatre fois grands‑parents. La dernière petite-fille, Juliette, est d’ailleurs née quelques jours avant notre rencontre. Chaque naissance est toujours une joie infinie, mais il y a parfois des « complications » qui affectent les parcours de vie du nouveau-né et de toute une famille. Nicole les a connues suite à la naissance de sa plus jeune fille Myriam, venue au monde avec le syndrome de Charge – une maladie rare qui peut affecter différentes parties du corps et engendrer des problèmes au niveau de la croissance. « Si je travaille maintenant dans la pastorale de la santé, c’est à cause de Myriam » confie Nicole.
Et derrière son sourire, se cachent toutes les hésitations, les questionnements, les luttes, les recherches d’une maman à l’écoute de son enfant souffrant d’une maladie peu ou – pas – connue, mais aussi la confiance en son enfant, la fierté du chemin qui a été accompli malgré les nombreux obstacles.
« J’avais envie de la protéger et qu’elle évolue. C’est elle qui donnait l’impulsion et je la poussais en la soutenant … Elle était très volontaire… Et il le fallait car nous en avons entendu de toutes les couleurs, parfois sans grande psychologie, de la part du corps médical ! J’avais parfois le sentiment que Myriam n’était pas traitée comme un être humain. Elle était « un cas ». « Elle n’est pas très collaborante », ai-je entendu dire au sujet de ma fille qui était alors au plus mal ! Je n’en suis pas restée là. J’ai rencontré d’autres parents qui avaient fondé une association. On se soutenait ».
C’est dans ce cadre que Nicole, sollicitée par Yvette Majerus, alors assistante paroissiale à Bastogne, commence à faire du bénévolat à la paroisse et des visites à domicile. Elle entreprendra même un certificat d’études en théologie pastorale.
« Patrick a commencé la formation au diaconat à Rochefort, en 2000. Cette année, il fête ses 20 ans d’ordination diaconale. Nous avons suivi les cours ensemble. J’ai pu comprendre ce qui n’était avant qu’intuition. Le travail de l’Écriture, notamment, m’a énormément apporté. J’ai poursuivi avec une formation à l’écoute active, aux soins palliatifs et le certificat universitaire de la pastorale de la santé. »
En effet, Nicole accompagne des personnes malades et isolées, des personnes en fin de vie. En 2009, elle rejoint la Pastorale de la santé, persuadée que c’est par le renforcement des liens, l’information, les solidarités intergénérationnelles, les rencontres des différences, que l’on peut déconstruire les choix de regards posés sur certaines personnes, ces constructions sociales souvent insidieuses et banalisées mais qui peuvent se révéler – même si elles ne sont pas intentionnelles – discriminantes et malveillantes. Ces discriminations touchent les personnes âgées (mais aussi parfois les jeunes), les malades, les personnes en situation de handicap, les étrangers etc… Elles reposent sur des préjugés, des suppositions stéréotypées, des peurs.
« Quand je vois comment la société voit les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, même parfois les « jeunes », quand j’entends les stéréotypes, je suis sensible… j’ai de la colère. »
Cette sensibilité, cette empathie qui lui permet de se mettre à la place d’autrui est aussi une source constante de questionnement, de remise en question par rapport à soi :
« À l’hôpital de Bastogne (90 lits), deux services m’ont ouvert leur porte : la médecine interne et la gériatrie. Même après toutes ces années de visites, je me sens très humble par rapport aux personnes…Ensuite je me demande « est-ce que j’ai bien fait ? ». Que ce soit en service hospitalier ou en maison de repos, ce qui peut aider c’est d’accompagner le prêtre lorsqu’il est appelé pour le sacrement des malades. Cela permet un suivi. Je me rends prioritairement auprès de ces personnes qui ont fait une demande de sacrement. Et puis, il y a les
visites à domicile. J’accompagne des personnes toutes les semaines chez elles. Certaines depuis plus de 12 ans. Une relation s’est nouée. Je continuerai même pensionnée. De même que pour la commission interdiocésaine de la pastorale de la santé. Partager son expérience est important et riche !»
Enfin, il y a « Foi et Lumière », une communauté chrétienne internationale qui rassemble des personnes porteuses d’un handicap mental, leurs familles et leurs amis. Entourée d’une équipe d’accompagnement, ses membres se réunissent une fois par mois pour partager la foi, l’amitié et célébrer la vie. Nicole est engagée dans le groupe de Bastogne. Cette communauté lui a apporté beaucoup de soutien et d’écoute lors des moments difficiles avec Myriam. « Nous sommes dans l’essentiel pas dans le paraître », explique Nicole. D’abord nous nous laissons aller à la joie de nous retrouver et chacun dit sa météo – qui explique comment il se sent – puis l’activité du jour se met en place : un bricolage, une visite… Il y a presque autant d’accompagnants que de personnes en situation de handicap… et ceux-ci forment une belle communauté fraternelle ».
Merci pour ton engagement et ton investissement, Nicole! Que la météo continue à être belle !
Christine Gosselin