Partager
Auteur

Diocèse de Namur Rédacteur
Date
30 avril 2024
Catégories
Jeunes
Saints et saintes
Spiritualité
Type
Robert Schuman, une figure inspirante
Nous aimerions vous faire goûter, comme un fruit aux saveurs multiples, plusieurs facettes de la vie de Robert Schuman (1886-1963), ce grand homme politique connu comme père fondateur de l’Europe.
En effet, les pastorales des jeunes de l’Eurégio (Namur/Belgique, Luxembourg, Metz et Nancy/France) ont vécu une journée à Scy-Chazelles (Metz) pour découvrir la figure du vénérable Robert Schuman et réfléchir ensemble à comment elle peut inspirer les jeunes d’aujourd’hui.
Nous avons prévu ce texte à plusieurs niveaux :
• si vous n’avez qu’une minute ;
•• si vous voulez un peu mieux comprendre et en tirez des fruits pour votre vie ;
••• la lecture vous apportera des exemples et fioretti de sa vie que vous pourrez peut-être transposer dans votre vie et vous aider à grandir en sainteté.
• Robert Schuman été façonné par son histoire et l’Histoire.
•• Né allemand au Luxembourg en 1886, d’un père lorrain et d’une mère luxembourgeoise, il deviendra français en 1919, en même temps que l’Alsace-Lorraine. Il va étudier à Luxembourg, Metz, Bonn, Munich, Berlin et Strasbourg. Il avait déjà à cette époque une grande conscience de l’importance du devoir d’état et du travail bien fait. L’enchevêtrement de cultures, de traditions et de langues qui vont accompagner tout son développement va façonner son cœur à voir la différence comme une richesse, une complémentarité.
••• Pendant la guerre, Monsieur Schuman fut mis en résidence surveillée par les nazis à Metz puis en Allemagne. Après plusieurs mois de détention, il s’échappe et parvient à rejoindre la France libre. Près de Lyon, il décide de visiter les réfugiés lorrains, ses compatriotes, pour les encourager, connaitre leurs besoins et agir s’il le pouvait en leur faveur.
• Robert Schuman est conforté dans sa vocation :
•• Au décès de sa mère, à 25 ans, alors qu’il était déjà orphelin de père depuis 10 ans ; il se posa la question d’une vocation religieuse. Un ami proche l’en dissuada et l’encouragea à rester laïc, car, selon lui, le monde a besoin de « saint en costume ». D’autres amis le conforteront dans cette voie. Il fut donc avocat (Metz, 1912), député de Moselle (1919), sous-secrétaire d’État (1940), ministre à divers postes du gouvernement français (1946-1953) et divers postes au niveau européen dont président du parlement (1958-1960). Robert Schuman a effectivement fait le bien partout où il a œuvré professionnellement. Dans sa vie personnelle, il apportera son aide à bien des personnes et associations catholiques.
••• Lorsqu’il est ministre de la République, Robert Schuman a un appartement de fonction. Il choisit de ne pas l’habiter et le met à la disposition de la famille d’un de ses collaborateurs. Il louera, à ses frais, un petit trois-pièces qu’il aménagera, avec grande sobriété, pour pouvoir dormir, prier et travailler.
• Robert Schuman mène une vie publique et privée distinctes mais liées.
•• Tout le monde sait que Monsieur Schuman est chrétien catholique pratiquant, mais il n’en fait jamais la propagande ni même allusion… il la vit ! Toute son action politique est profondément pétrie par son immense désir de servir le Christ, d’aimer même ses adversaires et de faire grandir le bien, l’unité et la paix.
••• Lorsque Monsieur Schuman fait du stop, très souvent, il ne dit rien de qui il est et n’est pas reconnu. Il prend soin de demander les coordonnées de son chauffeur du jour et lui adresse, par courrier, une lettre de remerciement.
• Robert Schuman est un homme de foi.
•• Sa mère, très pieuse va préparer son être à vivre tout, en grande proximité avec le Seigneur. Et monsieur Schuman pose des choix très concrets pour entretenir sa foi et nourrir son lien à Dieu. Dans son immense bibliothèque, les livres chrétiennes (notamment Saint Thomas d’Aquin qui l’a beaucoup inspiré) côtoient toutes sortes de tomes sur la culture et le monde, la philosophie aussi. Lorsqu’il deviendra ministre à Paris, il choisira une maison de campagne en Lorraine, « sa petite patrie » comme il l’aime l’appeler. Dans la banlieue de Metz, en face d’une église et d’un monastère, il sait qu’il pourra prier, seul ou en communauté, dans l’adoration, le chapelet, la liturgie des heures. Dans ses divers bureaux et chambres, on retrouvera prie-Dieu, crucifix de belle taille, statue de la Vierge… et il se rendra, dès que c’est possible, à la messe quotidienne.
••• Un prêtre qui lui apportait la communion sur son lit de malade dans les derniers moments de sa vie raconte : « Quand je rentre avec le bon Dieu, ça fait un drôle d’effet ; il est là assis sur son lit à regarder, à pleurer, d’un air de dire : “Dire que le bon Dieu vient voir un pauvre type comme moi !” »
• Robert Schuman est un ami de la paix.
•• Il l’a été certainement grâce à deux qualités qu’il a développées : l’écoute et la bienveillance. Elles sont certes assez naturelles chez lui, mais il choisit de toujours les utiliser même face à ses adversaires politiques. En effet, dans les débats, sans abandonner ce qu’il pense bon et bien, il veille à ne blesser personne. Vous pouvez percevoir ce qui l’anime : « Écoutez attentivement ce que dit votre adversaire sincère. Dans ce qu’il dit, il y a une part de vérité. Et cette vérité partielle enrichira votre manière de voir. » Il incarnait également cette certitude que l’unité de vie, l’unité intérieure est aussi facteur de paix extérieure. Dans sa vie personnelle, il a cette même ouverture et bienveillance : sa porte est toujours ouverte et il accueille et est disponible, pour tous, avec un immense respect pour la personne. N’est-ce pas aussi construire la paix ? Il incarnait également cette certitude que l’unité de vie, l’unité intérieure est aussi facteur de paix extérieure.
••• Il est relaté que, lors des grèves insurrectionnelles (1947), Robert Schuman demeura des heures durant au perchoir de l’Assemblée nationale, persuadé que s’il en descendait, les communistes auraient pris sa place et que la France serait tombée entre leurs mains. Il confia : « Je me suis tenu d’une main au podium et de l’autre, dans ma poche, serrait le chapelet. »
• Robert Schuman vit la cohérence évangélique de manière édifiante.
•• Robert Schuman est et reste un homme humble toute sa vie, au service de quelque chose de plus grand que lui, malgré les hautes fonctions qu’il va remplir. Il se considère comme un instrument de la Providence. Il est aussi très conscient que les transformations ne se font pas d’un coup. Il mettait en œuvre la politique des petits pas : une action minime régulière et dans la durée est plus féconde qu’une action conséquente ponctuelle ; ce travail sur le long terme est bien sûr assorti de critique et de moqueries qu’il va endurer avec dignité et courtoisie sans jamais chercher à écraser ses adversaires par des critiques personnelles faciles. (Ses jugements pouvaient être particulièrement acérés en ce qui concerne les attitudes politiques, mais il ne s’en prenait jamais aux personnes.) Sa droiture morale était sa force et il aimait dire : « Être droit est la meilleure manière d’être adroit. » Sa grande force est d’essayer de faire ce qu’il peut, en ayant foi en Dieu qui donnera la victoire. Subir la critique et les moqueries et garder le cap. Un autre trait de sa vie qui rejoint bien nos préoccupations, c’est la sobriété. Voici un exemple au niveau des transports. Alors qu’il est ministre, qu’il a une voiture de fonction avec chauffeur, il choisit d’accomplir ses trajets hebdomadaires Paris/Metz en train et à la gare de Metz. Pour les 7 derniers kilomètres de son voyage, il marche ou fait du stop !
••• Un jour, le député Robert Schuman fit un séjour à l’abbaye d’Orval. Les moines lui offrirent deux fromages et deux cartons de bière. Au moment de passer la frontière, le douanier questionna, par habitude :
« Avez-vous quelque chose à déclarer ?
— Non, répondit le conducteur. (Monsieur Schuman avait une voiture, mais pas de permis !)
— Si ! Nous avons de la bière et du fromage des moines d’Orval.
Ils passèrent sans difficulté. Le conducteur questionna :
— Pourquoi avez-vous déclaré ce qui n’en valait pas la peine ?
— Un député français ne saurait mentir, répondit Robert Schuman. * »
• Robert Schuman est un travailleur devant Dieu et devant les hommes.
•• Il n’est pas rare que ses journées commençassent vers 5h du matin pour s’achever bien tard dans la nuit. Il était qualifié de mauvais orateur et de piètre lecteur ; connaissant son double handicap, Monsieur Schuman préparait de manière extrêmement consciencieuse ses interventions publiques. Il passait beaucoup de temps à rédiger et peaufiner ses discours en plus d’accomplir tout le reste de son travail, mais jamais au détriment du Seigneur et des autres. Sa vie est d’ailleurs qualifiée de monacale et son état de vie pourrait être repris dans le terme « moine laïc »… étonnant pour un homme dont la carrière le projetait sans cesse au-devant de la scène.
••• Modèle du politique en voie de sainteté, Robert Schuman incarne les caractéristiques de l’humaniste chrétien. « Être contemplatif en action, compétent, rayonner de l’espérance de la foi, ne pas se décourager par la bureaucratie européenne et les défis de ce projet à 27, être personnaliste, avoir le respect absolu de la dignité humaine et promouvoir la culture de solidarité et de dialogue. »
• Robert Schuman, père fondateur de l’Europe.
•• «L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme. »Cette conviction vient bien évidement de sa foi et sa piété, mais aussi de son excellente culture de l’homme, de l’histoire et des civilisations. Le point d’orgue de son action, sa déclaration du salon de l’Horloge, le 9 mai 1950, n’a jamais été le fruit d’un calcul politique (comme toute son action publique au long court) ; son seul souci était le rapprochement et la réconciliation entre des peuples ennemis.
••• L’Europe d’aujourd’hui n’a pas été telle quelle imaginée par lui. Il n’est donc pas nécessaire d’être europhile pour apprécier la figure de Robert Schuman. L’Europe de Schuman était avant tout un accord économique, le but était de créer une interdépendance économique la plus large possible, pas un protectionnisme. Il nous laisse donc une question toujours pertinente pour aujourd’hui : comment établir une paix durable ? Pour y arriver, le point d’équilibre entre respect des particularités et concertation continentale, voire mondiale, reste à trouver.
• Robert Schuman est une figure à découvrir ou redécouvrir pour les jeunes et les moins jeunes.
•• Outre sa carrière politique remarquable, vécue comme un service du souverain Bien, il a déployé des trésors de qualités humaines forgées pour sa vie de prière et sacramentelle intense. Même s’il n’est encore que vénérable, nous pouvons vraiment nous laisser inspirer par sa vision, son humilité, l’amour des gens, la sobriété, l’enthousiasme, la patience, l’abandon à la volonté de Dieu, la persévérance et bien d’autres traits de cette figure proche. Et prions-le pour demander un miracle. (cf. https://metz.catholique.fr/institut-saint-benoit/)
••• Robert Schuman est contraint de quitter la politique en 1962, car il est atteint d’une maladie qui détériore ses facultés intellectuelles. Il décède, quelques mois plus tard, le 4 septembre 1963 dans sa maison de Scy-Chazelles, près de Metz qui est aujourd’hui un lieu de mémoire. N’hésitons donc pas à le prier pour demander la guérison miraculeuse d’une personne proche atteinte de dégénérescence cognitive ; Dieu a fait tellement de bien par son serviteur Robert Schuman qu’il n’y a aucune raison que cela s’arrête.
Propos librement inspirés par diverses conférences et émissions en « libre-service » sur internet, le livre « Robert Schuman, La politique pour vocation » de Ghislain Knepper (* p. 49) et des propos recueillis auprès de l’abbé Grégoire Corneloup, président de l’Institut Saint-Benoît patron de l’Europe qui œuvre, au sein de l’Église, en faveur de la béatification de Robert Schuman.
Service Jeunes
Photo : © Pastorale des jeunes Eurégio