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Auteur
Christine Bolinne Auteure
Date
23 décembre 2024
Catégories
Noël
Type
L’abbé Gilon : « A Noël, enfant, j’étais pot de fleur ! »
Enfant, l’abbé Jacques Gilon écoutait déjà ce chant avec émotion. Émotion qui ne l’a jamais quitté et qui s’est renforcée quand il a eu la voix pour l’interpréter ! « Minuit Chrétien », c’est sa Madeleine de Proust. Le chant sans lequel Noël n’est pas vraiment Noël. Dans quelques heures, l’abbé Gilon vibrera une nouvelle fois en l’entendant. Agé, aujourd’hui, de 84 ans, il se souvient du Noël de son enfance. Un Noël sans réveillon, sans cadeaux mais avec un cougnou et un chocolat chaud après la messe de minuit.

L’abbé Jacques Gilon craint que sa mémoire ne manifeste quelques signes de faiblesse. Qu’il se rassure, il n’en est rien. En racontant ses Noël d’antan, on retrouve un rien d’espièglerie dans ses yeux… « A la messe de minuit, j’étais pot de fleurs » confie celui qui deviendra bien des années plus tard l’abbé Gilon et remplira les fonctions de recteur du sanctuaire de Beauraing. Et immédiatement d’ajouter : « Ça c’était quand d’étais petit. Je n’avais rien à faire mais j’étais déjà très fier de porter une jolie tenue, une soutanelle rouge et un surplis. Je dois bien avouer qu’à cette période, il m’arrivait de m’endormir pendant la messe de minuit ! »
Il faut dire que la journée avait été longue. Jacques Gilon vivait avec ses parents son frère et ses deux sœurs à La Plante. D’ajouter, dans un large sourire : « J’étais le dernier de la tribu. » La maman tenait une petite épicerie et le papa était horticulteur. C’est lui qui, bien des années plus tard, aménagera le parc de l’évêché. Il avait alors été aidé par son fils devenu horticulteur. Même si la course aux cadeaux n’était pas encore devenue un sport international, on offrait des plantes vertes et des jacinthes. Un moment à ne pas rater pour les parents et les enfants prêtaient main forte.
Les cadeaux ? C’est Saint-Nicolas !
« Nous ne recevions pas de cadeaux à Noël, Saint-Nicolas nous avait amené, si on en avait besoin, des chaussettes et une culotte (ndlr : des pantalons) ! Il y avait aussi une mandarine et un chocolat Jacques. Aujourd’hui, c’est une véritable orgie de cadeaux pour la Saint-Nicolas comme pour Noël dont le sens est galvaudé. Pendant les vacances des enfants, il faut aller à la patinoire, au cinéma, partir loin de la Belgique… De mon temps, nous avions vécu calmement Saint-Nicolas et nous attendions Noël, la fête religieuse. » Donc pas de cadeau à Noël mais le plaisir d’aller, en famille, assister à la messe de minuit. A l’église de La Plante, bien sûr. « Il y avait tellement de monde. Nous, les enfants de chœur, entrions en procession avec, derrière nous, Monsieur le curé qui tenait l’Enfant Jésus. »
Tout jeune, le petit Jacques était comme il dit « pot de fleurs. » Il assurait une présence parfois somnolente dans le chœur de l’église. Mais uniquement à la messe de minuit, une heure bien tardive pour un bonhomme de 7-8 ans. Les messes servaient, comme le dit l’abbé Gilon, à apprendre le métier. Entendez par là devenir enfant de chœur, acolyte comme on dit aujourd’hui. « Quand j’ai grandi, j’ai porté la navette, l’encensoir. Nous ne pouvions pas toucher le calice. »
Cougnou et chocolat chaud
L’enfant attendait avec impatience un chant, « Minuit Chrétien ». Pour l’interpréter, il fallait un ténor. « Il est déjà arrivé qu’il était chanté par un homme qui ne venait jamais à l’église mais juste parce que, dans la chorale, il n’y avait pas de ténor. » De retour à la maison, avant d’aller se coucher, c’était un beau moment familial à déguster. Oubliée la fatigue pour se rassasier d’un cougnou accompagné d’un chocolat chaud. Et puis tout le monde au lit. Le jour de Noël, il fallait ouvrir le magasin. Et pour les garçons, retourner à l’église pour la messe de Noël.
En son for intérieur, Jacques Gilon a très vite su qu’il serait prêtre. Pour éviter les questions et les commentaires, il disait qu’il serait professeur ! Lorsqu’il s’est retrouvé à Lourdes à prier Marie, il a su qu’il ne pouvait plus cacher sa vraie voie. « Plus tard, j’ai été nommé à Beauraing où j’animais des retraites. J’ai été ensuite désigné recteur du sanctuaire. J’avais prié Marie à Lourdes et je me retrouvais à Beauraing ! » Le recteur était aussi en charge de paroisses des alentours de Beauraing. Des souvenirs merveilleux tout au long de l’année avec une émotion particulière… à Noël, bien sûr. Dans la paroisse de Froidchapelle, par exemple, où il pouvait compter sur l’aide précieuse de Joséphine, la sacristine.
L’abbé Jacques Gilon est heureux de faire remonter ces souvenirs, de les partager. A la Maison de repos de Ciney où il vit depuis plusieurs années, il sera au côté du chanoine Demaret qui célébrera la messe de Noël quelques jours avant la date. L’abbé Gilon prononcera comme il dit « un petit sermon. » Et Minuit chrétien ? « Je n’ai plus la voix pour le chanter. »
Christine Bolinne