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Auteur
Christine Bolinne Auteure
Date
12 mai 2025
Catégories
Saints et saintes
Sanctuaire de Beauraing
Vatican
Type
15 mai 1985, Jean-Paul II était à Beauraing : Claude et ses amis ont permis à 40.000 personnes d’être associées
« J’y pense tous les jours » explique, les yeux brillants d’émotion, Claude Van Genneken. Ces images à jamais gravées dans sa mémoire, il aime, comme il dit, les faire défiler dans sa mémoire. Le 15 mai 1985, il y aura quarante ans ce jeudi, il était dans l’équipe chargée de l’accueil du pape Jean-Paul II à Beauraing. Il était un des quatre Beaurinois à avoir fait preuve d’audace et d’ingéniosité pour que la cité mariale n’accueille pas, comme c’était initialement prévu, 2500 « privilégiés » mais bien 40.000 personnes ! Retour sur un moment historique pour la cité mariale.
Nous sommes en 1985. Comme tous les matins, Claude Van Genneken est dans sa salle de bain et il écoute, en faisant sa toilette, la radio. Il est question de la venue du pape en Belgique. Pas de quoi stresser le Beaurinois, la veille lors d’une réunion, ils ont abordé le sujet pour en arriver à la conclusion : « Heureusement qu’il ne vient pas chez nous même si cela aurait été faramineux. » Ils ignoraient encore les « légers » changements apportés au programme. Le pape Jean-Paul II découvrant que la Belgique comptait deux sites mariaux ( Banneux et Beauraing), venait de demander aux organisateurs de son séjour de les ajouter à la liste des visites à effectuer en Belgique. Le journaliste annonçait la bonne nouvelle. Claude Van Genneken, lui, n’en croit pas ses oreilles. Il téléphone à Louis Wénin, lui aussi dans l’équipe toujours prête à apporter son aide dans les organisations liées au sanctuaire. Ce dernier est tout aussi stupéfait en apprenant LA nouvelle.
Du temps s’écoule jusqu’à ce que l’abbé Chenot, recteur du sanctuaire, venant de recevoir des informations de l’évêché, convoque une réunion. L’information : le pape Jean-Paul II viendra bien à Beauraing et rencontrera, dans un premier temps, les voyants et les familles avant un moment de prière devant Notre-Dame au Cœur d’Or (la photo a fait le tour du monde) et une célébration. Le tout se passant au sanctuaire, un périmètre fermé « facile » à sécuriser mais pouvant accueillir seulement 2500 privilégiés. Ce seront des prêtres, des religieux et des religieuses.
Le plan B
Les membres du quatuor Claude Van Genneken, Louis Wénin, Camille Poncelet et Marcel Lebrun – ces trois derniers étant aujourd’hui décédés – sont heureux. « C’était une fierté pour Beauraing d’accueillir le pape » ponctue Claude Van Genneken. Leur contentement est vite suivi d’un… mais. Ils déplorent que les pèlerins, que les fidèles amis de Notre-Dame au Cœur d’or ne soient pas associés. Réflexion unanime : « Les pèlerins auraient été ravis de rencontrer le pape. » Les cerveaux fonctionnent au maximum, les réunions sont nombreuses et les idées fusent. Dans le plus grand secret, ils élaborent un plan B.
Bien sûr la localité de Beauraing sera fermée à la circulation. Il faut prévoir, à chaque point d’entrée, un parking. Les fermiers sont contactés et immédiatement séduits par l’idée de transformer leur champ en parking de dissuasion. Des contacts sont pris avec des autocaristes pour mettre à disposition des véhicules chargés de prendre en charge les moins valides.
Il est prévu que l’hélicoptère transportant le pape se pose près de l’école des sœurs. La papamobile le conduisant au sanctuaire. Les quatre amis trouvent dans le périmètre, une grande prairie habituellement réservée aux vaches qui peut contenir plusieurs dizaines de milliers de personnes et où la messe pourrait être célébrée. Aujourd’hui, le terrain situé, en venant de Namur, juste avant le pont de la route de Rochefort est occupé par une grande surface. Là encore, le fermier est favorable à l’idée.
« La peur de ma vie »
Les quatre amis sont conviés à la visite du sanctuaire qui rassemble les services de sécurité, les organisateurs au niveau national de la visite papale… Mgr Mathen alors évêque du diocèse, conforme au projet initial, emmène tout ce monde à la découverte du sanctuaire. A la fin de la visite, Louis Wénin se lance : « Nous ne sommes pas d’accord avec cette organisation… » Stupeur. Et d’expliquer ce qu’ils ont prévu et pourquoi ils apportent ces changements : les démarches, les accords… Un projet plus que bien ficelé qu’ils n’avaient pas osé, jusque-là dévoiler, l’abbé Chenot pouvant se montrer assez strict. Un rien sidérés, les visiteurs sont, très rapidement, non seulement séduits mais aussi favorables à la mise en place du plan B. Les réunions se multiplient et tout fonctionne. Plus la journée du 15 mai 1985 approche, plus l’effervescence se fait sentir. Le samedi, dès 7h, Claude et ses amis sont sur le terrain pour vérifier que chacun est à son poste.
Claude Van Genneken est au sanctuaire avec les voyants, les familles, les enfants qui, dans l’année, ont fait leur communion et/ou leur confirmation. « Au dernier moment, l’abbé Chenot m’a demandé de l’accompagner pour accueillir le pape. J’ai eu la peur de ma vie… » Lorsque le bruit de l’hélicoptère se fait entendre dans le ciel de Beauraing, les cris des milliers de pèlerins rassemblés dans l’attente de la messe arrivent jusqu’au sanctuaire, lieu bien plus calme. « J’ai vu le pape Jean-Paul II à 50 cm, il m’a salué. J’ai été impressionné par sa simplicité. » Claude est sur son petit nuage et il faudra du temps, beaucoup de temps pour qu’il en redescende. Le lundi, au travail, ses collègues n’arrêtent pas de lui parler de cette visite. Ils le taquinent aussi : « C’était qui l’homme en blanc à côté de toi. »
Lorsque l’hélicoptère du pape, à la fin de la célébration, décolle en direction de Namur, la tension retombe. Toute l’équipe se retrouve au rectorat pour prendre un verre bien mérité. Pour recevoir un cadeau aussi, un chapelet offert par le pape.
Aujourd’hui encore, Claude Van Genneken ne cesse de revivre cette journée. Claude est un modèle de dévouement. S’il peut rendre service, il est tout simplement heureux. Dans les années 80, l’abbé Chenot se trouvait souvent bien seul pour mener les différentes activités sur le site du sanctuaire. Il avait besoin de nouvelles énergies, de laïcs notamment. Lors d’une messe, il avait lancé un appel aux bonnes volontés. Claude est dans l’assemblée et il se porte volontaire. Avec lui, ses trois amis. Ils étaient bien loin d’imaginer la suite !
En évoquant cette visite exceptionnelle, Claude Van Genneken a encore une pensée pour Louis Wénin heureux de la visite du pape mais bien perplexe devant le peu de personnes prévues, dans un premier temps, pour la vivre. « Nous n’avons pas fait ça pour la gloriole. Nous n’étions pas, comme cela a été dit des rebelles qui avaient voulu tout changer. Juste nous voulions que les pèlerins soient associés. » Et en grand nombre pourrait-on ajouter.
Cette journée du 15 mai 1985, Claude ne pourra en partager les souvenirs, ce jeudi, avec ses amis mais il pourra une nouvelle fois en savourer chaque seconde en se fiant à sa mémoire.
Christine Bolinne