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Auteur

Diocèse de Namur Rédacteur
Date
1 juillet 2024
Catégories
Cathédrale
Evêché
Séminaire
Vocation
Type
« Ami prêtre, qui es-tu ? »
Vous n’étiez pas présents aux ordinations presbytérales ? Vous avez envie de vous replonger dans l’homélie prononcée par Mgr Pierre Warin ? Vous la trouverez ci-dessous. Une homélie dans laquelle il commente l’évangile du jour (Mc 5,21-43) tout en répondant à une question : « Ami prêtre, qui es-tu ? » Un des éléments de réponse retenu par l’évêque : « Si sacerdoce commun et sacerdoce ordonné ne sont pas interchangeables, ne peuvent se réduire l’un à l’autre, ils ne doivent pas être séparés. »
« Il y a 25 ans, j’ai béni le mariage d’Anne-Catherine et Damien. Ils n’arrivaient pas à se déterminer pour un évangile du lectionnaire des mariages. Alors je les ai laissés avec la question : « Pourquoi ne pas choisir un miracle de guérison ? Vous serez médecins d’ici peu. »
A vrai dire, je ne m’attendais pas à ce qu’ils choisissent l’épisode dans l’épisode que rapporte l’évangile que nous venons d’accueillir, la guérison de l’hémorroïsse, de la femme qui souffrait d’hémorragies depuis douze ans et de qui l’évangile dit : « Elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration. » Et encore : « Au contraire, son état avait plutôt empiré. »
Parce que l’un et l’autre se destinaient à la médecine générale, je me disais : sans doute vont-ils opter pour un miracle où il est question d’un malade au lit en proie à une forte fièvre. Je m’attendais donc à ce qu’ils me téléphonent : « Tonton, on s’est décidé pour l’épisode de la belle-mère de Pierre. »
Ils ont finalement choisi un miracle de guérison dont le miraculé est un pauvre, un aveugle assis au bord du chemin en train de mendier. Un miracle de guérison qui a pour cadre Jéricho, qui est le lieu le plus bas où vivent des hommes. L’altitude unique de Jéricho, 300 mètres en dessous du niveau de la mer, ne suggère-t-elle pas que l’homme, même quand il est au plus bas, n’est pas hors d’atteinte du salut de Dieu ?
Je voudrais ne pas escamoter ici la guérison de l’hémorroïsse et souligner la foi de cette pauvre femme qui dit : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » Ah la foi de ces petits qui opèrent d’humbles gestes, qui font brûler un cierge dans l’obscur d’une église ou qui à Lourdes passent devant la grotte en touchant le rocher ! La foi, nous assure Jésus, les sauvera. Ils seront exaucés !
Chers Patrick, Luciano, Gustavo Adolfo et Jose Miguel, je voudrais maintenant répondre à la question : Ami prêtre, qui es-tu ?
Chers Patrick, Luciano, Gustavo Adolfo et Jose Miguel, je voudrais maintenant répondre à la question : Ami prêtre, qui es-tu ?
Les quatre évangiles sont unanimes pour attester que dans la troupe des disciples, Jésus en a appelé librement douze, dénommés apôtres, à tout quitter, à être avec lui, pour ensuite les envoyer de manière particulière.
Pour comprendre la nature de cet envoi particulier, ainsi que le mot apôtre (du grec apostolos « envoyé »), il y a lieu de ne pas perdre de vue le contexte, l’arrière-fond dans lequel ils s’inscrivent, à savoir l’institution juive du shaliah. Ce dernier n’est pas un simple envoyé ; il est représentant du maître lui-même. Il peut agir en lieu et place du maître. Lorsque, par exemple, il parle, c’est le maître lui-même qui prend la parole.
Dans l’Evangile, c’est bien ainsi que Jésus considère les apôtres : « Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille Celui qui m’a envoyé » (cf. par exemple Mt 10,40). On le constate : Jésus se réfère à son propre envoi par le Père. Comme le Père et son dessein de salut sont présents en son envoyé Jésus, le salut de Dieu réalisé en Jésus est présent en ceux que celui-ci envoie. Par les apôtres est rendu présent le salut conçu par le Père et réalisé en Jésus.
« Qui vous accueille m’accueille moi-même, et qui m’accueille, accueille Celui qui m’a envoyé »
Mt 10,40
L’Eglise définit conséquemment le prêtre comme celui qui représente sacramentellement (c’est-à-dire de manière visible et efficace) Celui qui sauve, le Christ Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, le Christ prêtre.
On le vérifie : outre le sacerdoce commun propre à tous, il y a un autre sacerdoce : le sacerdoce ministériel. L’un et l’autre participent à l’unique sacerdoce du Christ. Mais ils diffèrent entre eux non par degré (comme si le prêtre était un super-laïc), mais par nature. Ils ne sont donc pas interchangeables. En clair, un prêtre ne peut être remplacé que par un prêtre. Même quand des laïcs assument des tâches dont s’acquitte normalement le prêtre (rassembler les fidèles le dimanche, par exemple), ils ne sont pas, à vrai dire des remplaçants du prêtre. « Quand celui-ci ne peut être présent, sa chaise reste vide, pour le dire de façon imagée » (Cardinal Danneels, Messagers de la joie, Pâques 1990, p.23).
Si sacerdoce commun et sacerdoce ordonné ne sont pas interchangeables, ne peuvent se réduire l’un à l’autre, ils ne doivent pas être séparés : le sacerdoce du prêtre est tout entier orienté vers celui des fidèles. Le prêtre existe pour les fidèles. Avec ceux-ci les prêtres sont membres du corps du Christ mais pour ceux-ci, ils rendent présent le Christ comme la Tête de son Eglise qui conduit celle-ci et la sauve. Le prêtre est solidaire du peuple croyant, mais il est aussi pour lui un vis-à-vis. Il est à la fois au milieu et en face (pas au-dessus !). Il préside à la vie de la communauté et à son rassemblement.
Plus que par le passé, notre Eglise est plurielle, composée d’une pluralité d’acteurs. C’est le bon chemin, et béni soit ce temps où, dans la vie de l’Eglise, chacun est davantage partie prenante. Mais il serait dommageable (cela hypothéquerait même l’avenir de l’Eglise) que, par un mouvement de balancier, on passe d’une situation où le prêtre faisait à peu près tout à un autre extrême, et que le ministère du prêtre s’en trouve obscurci. Il importe d’en redécouvrir la beauté et de témoigner du bonheur d’être prêtre.
Je cite le Cardinal Danneels : « Seul le regard de la foi est (…) capable de voir le prêtre tel qu’il est : un homme de Dieu, quels que soient ses lacunes, ses défauts, ses péchés. Ce sont les gens simples qui souvent réalisent la chose les premiers. Ils ont une connaissance spontanée, prélogique de ce qu’est le prêtre. Ainsi François d’Assise : Le Seigneur m’a donné et me donne encore, à cause de leur caractère sacerdotal, une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la règle de la sainte Eglise romaine, que, même s’ils me persécutaient, c’est à eux que malgré tout je veux avoir recours » (Ibid., p.29).
Cher Patrick, Luciano, Gustavo Adolfo et Jose Miguel, soyez reconnaissants au Seigneur pour la grâce insigne qu’il vous fait aujourd’hui en vous choisissant pour prêtres !
Cher Patrick, Luciano, Gustavo Adolfo et Jose Miguel, soyez reconnaissants au Seigneur pour la grâce insigne qu’il vous fait aujourd’hui en vous choisissant pour prêtres ! En Jésus, Dieu se révèle comme passionné de vie, toujours désireux de la faire ressurgir où elle est menacée. En son nom, allez dire à ceux et celles qui vous seront confiés : Talitha Koum, « jeune fille, je te le dis : lève-toi ! » »
+ Pierre WARIN
Ordinations sacerdotales,
Cathédrale Saint-Aubain,