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Auteur
Christine Bolinne Auteure
Date
21 octobre 2024
Catégories
Cathédrale
Patrimoine
Type
Collégiale de Dinant : pas d’incendie, « juste » un exercice !
Samedi, 9h du matin, trois véhicules de la zone de secours Dinaphi – dont la grande échelle et une ambulance – se garent sur le parking qui jouxte la collégiale de Dinant. De quoi surprendre les premiers passants qui s’arrêtent et lèvent immédiatement les yeux vers la toiture de l’édifice. L’incendie de Notre-Dame de Paris reste ancré dans les mémoires. Rien, pas de fumée. Un déploiement nécessaire pour tester différents plans d’urgence d’application en cas de catastrophe. Samedi, ce n’était donc qu’un exercice. Testé encore le plan de sauvegarde des biens culturels exigé, depuis peu, par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les gestionnaires de patrimoine classé comme « trésor ». Une première.
Pas de gyrophares et encore moins de sirènes, les services de secours de la zone Dinaphi ne voulaient pas affoler les Dinantais. Le premier camion à peine garé, des dizaines de mètres de tuyaux sont déroulés vers l’arrière de la collégiale. La grande échelle est prête à être déployée. Le pompier responsable de l’intervention s’entretient avec Christian Pacco, président de la fabrique d’église de la collégiale. Des premiers renseignements précieux : y-a-t-il encore des personnes dans la collégiale ? des blessés ? comment accéder ? … Direction « le pc capot », le capot d’un véhicule des secours est utilisé pour déployer les plans de la collégiale et de les remettre en mémoire. Reste à pénétrer dans les lieux. Un trousseau de clés se trouve à la caserne des pompiers de Dinant. Quid si ce sont les sapeurs de Ciney ou encore d’Yvoir qui sont de garde ? Ce point devra être réexaminé prioritairement.
Les pompiers se jouent des 170 marches taillées dans la pierre, des marches de hauteurs différentes qui constituent l’escalier, étroit, en colimaçon permettant d’accéder sous la toiture. C’est là que l’incendie simulé s’est déclaré alors que des électriciens étaient au travail. Un pompier jouera le rôle du blessé. Il simulera une détresse respiratoire à la suite d’une forte inhalation de fumées. De longues minutes plus tard, les pompiers qui entretemps feront encore de nombreux allers-retours avec des tuyaux en vue d’arroser le foyer retrouveront le rez-de-chaussée de la collégiale. Ils sont en sueur, le visage marqué par l’effort.
Saint-Perpète, une priorité
Le temps de reprendre leur souffle et il faut s’occuper des œuvres d’art présentes dans la collégiale. Priorité au buste reliquaire de Saint-Perpète qui a été classé par la Fédération Wallonie Bruxelles. Il est installé dans le transept et est protégé par une épaisse vitre. Sauver ce buste-reliquaire est une priorité. Trois pompiers aidés de ventouses seront nécessaires pour descendre la vitre. Lors de l’exercice, le buste n’a pas quitté le socle sur lequel il est installé. Pas question de faire courir des risques à l’œuvre. Les pompiers se sont contentés de placer des poids, 40 kg au total, le poids de Saint-Perpète, sur une chaise. Le tout a été emmené, à quelques mètres de là en lieu sûr. Pièce suivante à protéger : le retable. Lui non plus ne sera pas enlevé toujours pour des questions évidentes de protection de la pièce. Si un incendie devait se déclarer, il serait protégé par des couvertures ignifuges tout comme diverses statues. Les couvertures ignifuges ne faisant pas encore partie de l’armoire d’urgence de la collégiale, ce sont des draps qui ont été utilisés.
Debriefing
Lors de l’exercice, les adjudants présents ont insisté par rapport aux forces sur place. Samedi, ils étaient sept pompiers. Si un incendie, un « vrai », s’était déclaré, il y aurait eu ce que les pompiers appellent « une montée en puissance ». Avec un rappel de tous les pompiers de Dinant mais aussi les renforts d’autres casernes : Ciney, Yvoir, Namur… Présence sur place aussi de la police pour veiller à éloigner les curieux, gérer la circulation qui devrait être interrompue pour permettre le pompage de l’eau directement dans la Meuse. Un incendie de jour ou de nuit ne présente pas les mêmes difficultés. Idem si des visiteurs se trouvent à l’intérieur ou si l’édifice est désert. S’il y a du vent ou pas ce qui nécessite alors, vu la position enclavée de la collégiale, de veiller sur les maisons voisines. Le téléphérique ou encore les escaliers qui mènent à la citadelle sont juste derrière l’édifice… Là encore, il s’agit de prévoir une éventuelle évacuation pour des touristes bloqués. La liste de tout ce qu’il faut prévoir est longue. Très longue même. Un tel exercice permet de mieux se rendre compte de ce qui peut encore être amélioré.
Une première
Le Plan Interne d’Urgence, le PIU, tel qu’il a été testé, contient, depuis peu, un volet « Plan de sauvegarde des biens culturels. » Un plan appliqué après le sauvetage des personnes et qui liste les œuvres contenues dans l’église, la chapelle, la collégiale… Des renseignements précis y sont mentionnés comme une estimation du poids ou encore la taille d’un tableau…
La Fédération Wallonie Bruxelles (FWB) a pris ce décret à la suite de l’incendie de Notre-Dame de Paris mais aussi aux inondations qui ont marqué, la Belgique durant le mois de juillet 2021. Ce plan doit être élaboré par les gestionnaires de patrimoine classé comme ‘trésor’ » par la FWB. On estime que de ces trésors se trouvent majoritairement dans les institutions religieuses. Il revient donc aux fabriques d’église de les élaborer. Pour cela, ils peuvent recevoir l’aide d’un collaborateur du CIPAR (Centre Interdiocésain du patrimoine et des arts religieux), Léopold d’Otreppe. Une assistance qui se fait avec le Comité belge du Bouclier bleu. Une de ses représentantes était sur place, ce samedi. Elle compare l’action du Bouclier bleu au travail de la Croix-Rouge mais au niveau du patrimoine.
Vers midi, les pompiers ont quitté les lieux après avoir testé, cette fois, leur nacelle. Elle peut les emmener à 30 m de haut avant de mettre en action les lances incendie.
La collégiale de Dinant a été dévastée en 1466 lors du sac par Philippe le Bon. Reconstruite, elle sera encore très endommagée lors du bombardement de la cité des Copères en 1914. La toiture, le bulbe et la charpente étaient détruits. Les voûtes n’ont, elles, jamais été endommagées. Mais samedi la question était sur toutes les lèvres : en cas d’arrosage massif, les voûtes ne risqueraient-elles pas de s’effondrer sous le poids de l’eau nécessaire pour éteindre le feu…
Christine Bolinne
Photos : C.B. et L’Avenir
Infos : l.dotreppe@cipar.be