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Auteur

Christine Gosselin Auteure

Date

27 septembre 2023

Catégories

Pastorale de la Santé

Type

Actualités diocésaines

Démence et résilience, mobiliser la dimension spirituelle


Rassemblés à Louvain-la-Neuve, les visiteurs de malades et représentants des pastorales de la santé des diocèses francophones venaient écouter Thierry Collaud, médecin et théologien, autour de cette question : que devient la personne qui passe par la maladie d’Alzheimer? Une théorisation conceptuelle et une expérience de terrain qui rejoignent la pratique des visiteurs, mais au-delà, qui touchent chacun personnellement.

Pendant plus de 20 ans, Thierry Collaud exerce en Suisse la médecine générale. Sa pratique et ses rencontres en MR.S, où de plus en plus de maladies d’Alzheimer sont diagnostiquées, l’amènent à réfléchir sur le statut de la personne démente. Où est la personne
derrière la maladie ? Qu’attend-on d’elle ? Peut-on encore espérer des progrès ?


« J’étais confus, je perdais la mémoire […] J’étais complètement à terre, je ne pouvais plus parler, j’avais perdu contact avec la réalité […] J’avais peur et je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer… La confusion n’a fait qu’augmenter et je ne pouvais plus la
contrôler… La peur, seulement cette peur, pas de l’anxiété, une sorte de peur ».

Autant de témoignages bouleversants de cette identité construite sur la capacité d’être d’un individu que la maladie d’Alzheimer renverse. « Avec la maladie, explique le docteur Collaud, l’ancrage de la personne a disparu et elle se retrouve en pleine confusion… comme si elle flottait. Il faut donc aller la retrouver là où la maladie l’a mise et lui proposer des tuteurs qui la réancrent au monde ».

La résilience est précisément cette capacité à avancer, à faire sortir quelque chose de soi malgré les conditions défavorables ; c’est une capacité de s’adapter à un événement traumatisant de l’existence en faisant usage des ressources internes et externes pour continuer à vivre une vie pleinement humaine. « En métallurgie on parle d’élasticité et de résistance au choc  ! » Il ne s’agit donc pas d’une disparition du trauma, mais de tolérer la tristesse de la vie tout en découvrant, dans le même temps, le plaisir et la joie de vivre. Cet « en même temps » est fondamental. La personne qui souffre de la maladie d’Alzheimer voit sa mémoire perturbée – reconfigurée – mais, elle n’en garde pas moins des choses en elle, elle n’est pas vide. La résilience, c’est croire que malgré la faiblesse et la maladie, une fécondité reste  !


Dans ce cadre, Thierry Collaud attire l’attention sur nos regards et représentations, nos attentes ou exigences envers la personne qui seront déterminants dans la relation à construire et l’allègement de sa souffrance  : « Nouer des liens, c’est devenir proche de la personne, créer un espace de jeu, de grâce, de célébration dans la rencontre ; ce que Paul Ricoeur nomme éthique, c’est-à-dire la recherche de la vie bonne avec et pour autrui, une vie qui déploie toutes ses potentialités dans les limites de la maladie ».


Concrètement ? Il s’agira de mettre le proche en condition de développer son potentiel en évitant les « idées toutes faites » qui peuvent masquer les autres dimensions de son identité. Les « je t’ai déjà dit », « tu as oublié mais », « je te répète encore une fois… » contribuent à développer le stress ou la tristesse du malade et apparaissent comme des éléments qui accentuent les blocages. Au contraire, trouver un espace où une résonnance peut s’éprouver, où on peut se reconnaître, soit à l’horizontal – dans ce qui nous fait vibrer – soit à la verticale, en lien avec la transcendance, sera libérateur et porteur pour le malade.


Repersonnaliser


Invalidation, infantilisation, réification, manipulation, étiquetage sont autant d’attitudes dépersonnalisantes qui guettent le proche subrepticement. Au contraire, il faut contrebalancer ces attitudes par des interactions positives de Reconnaissance de la Personne, de Validation, de Co-décision, de Soutien, de Facilitation et de Jubilation. Cette sixième attitude est essentielle  !
Elle est comme la résultante mais également le moyen des cinq autres. Car effectivement la jubilation est conjointement un espace de Célébration, de Création, de Grâce et Jeu.

Dans nos vies d’adultes, le jeu est souvent opposé au travail et discrédité. Et effectivement, le jeu n’a pas d’autre but que lui-même  ! Il est l’expérience en soi. C’est un espace dans lequel le monde extérieur n’intervient plus pour nous dire ce qu’il attend de nous. C’est un espace de liberté, de repos qui est l’espace fondamental où l’on crée les choses, c’est l’espace de la possibilité de la « surprenance ».


Mobiliser la dimension spirituelle


La spiritualité est de cet ordre explique notre théologien  : « se laisser surprendre », « recevoir », « être rempli de » et, ultimement « être aimé ». Elle renvoie à un au-delà sur lequel on s’ouvre, mais que l’on ne peut recevoir que par bribes et furtivement. Un au-delà qui va se dire comme invisible, altérité, insaisissable, inattendu, débordement qui toujours nous surprend et nous interpelle. Il s’agit donc de se reconnaitre envahi, transpercé, aimé par l’Autre. La capacité de croire à un au-delà de soi, de vivre la foi comme une confiance fondamentale, d’avoir la capacité de découvrir un sens, d’être réceptif à l’inattendu procure une espérance, et une confiance en soi.


Thierry Collaud termine son intervention en invitant à être dans nos rencontres ces « tuteurs de résilience », qui reconduisent « l’espoir en espérance. Car finalement ce qui stimule le plus l’espérance, c’est d’avoir quelqu’un à côté de soi qui espère en soi et permet de se sentir reconnu et aimé ».


Christine Gosselin

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