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Auteur
Christine Bolinne Auteure
Date
9 avril 2024
Catégories
Spiritualité
Type
Des catholiques vivent, avec les musulmans, la rupture du jeûne
Le ramadan se termine ce mardi 9 avril avec une ultime journée de privation après un mois de jeûne. Demain, ce sera la fête de l’Aïd el Fitr. Chaque soir, depuis le 10 mars dernier, les musulmans ont invité à leur table des amis, des collègues, des « pauvres » … pour vivre la rupture du jeûne. Le chanoine Philippe Masson, doyen de l’Entre-Sambre-et-Meuse et Michaël Jean, diacre permanent font partie des habitués de ces moments. Pour eux des temps de partage, de fraternité.
Pour le chanoine Philippe Masson, le mois de ramadan correspond à une série d’invitations à honorer. Des invitations lancées par des familles musulmanes pour partager avec elles le repas de rupture du jeûne. « C’est très beau ce qui se vit. Contrairement à ce que beaucoup pensent on ne fait pas bombance. Après ne pas avoir ni bu ni mangé durant la journée, l’estomac ne le supporterait pas ! » Le chanoine de poursuivre : « J’ai vécu, cette année, six ruptures du jeûne. On prend le repas avec le plus petit, le plus pauvre, « celui qui n’a pas. » Comme je n’ai pas de famille, je suis invité à partager ce moment de fraternité comme de convivialité. J’ai pu aussi constater le grand respect qu’ils ont pour celui, et c’est mon cas, qui ne parle pas arabe. Ils s’expriment en français pour que je ne me sente pas exclu. » Un doyen encore marqué, à cette occasion, par la grande générosité de ses hôtes. L’aumône est un des piliers de l’Islam.
Une datte, une bouchée de gâteau
L’Exécutif des musulmans de Belgique donne l’heure, pour chaque jour, de la rupture du jeûne. A l’heure dite, Younes a proposé à Michaël Jean, diacre permanent, à son épouse et à ses deux enfants, pour marquer cette rupture du jeûne, une datte ainsi qu’un morceau de gâteau très sucré. Michaël Jean : « Une cuillère suffit et elle est accompagnée d’un verre de lait. »
Professeur de religion au Centre d’enseignement Asty Moulin, Younes est son collègue. Pas très habitué des fourneaux, Younes avait passé, ce jour-là, de longues minutes en communication avec sa maman restée au pays, en Algérie, pour préparer ses plats. Outre la famille Jean, d’autres collègues étaient présents autour de la soupe, du tajine et des gâteaux. Tous ravis de découvrir l’autre à travers ce moment intime partagé. En fond sonore, la prière diffusée en direct de la Mecque. « On ne se goinfre pas, on ne se jette pas sur la nourriture » lance le diacre .
Michael Jean et ses collègues n’ont pas hésité à interroger Younes sur la pénibilité de ce jeûne. Younes, à chaque fois, de répondre : « C’est comme ça ». Il n’en dira jamais plus. Michael Jean : « Lors de la pause de midi, il est à table avec nous alors que nous sortons les tartines, les pâtes…. Il est très à l’aise. Nous nous avons presque mauvaise conscience de manger et de boire devant lui. Il s’est levé vers 4h du matin, pour prendre un repas avant le lever du soleil. Cette fatigue, il ne nous la laisse pas voir… » Un professeur qui a pu constater que certains de ses élèves profitaient eux de ce ramadan pour déserter les cours.
Ce repas de rupture du jeûne a poussé le diacre à réfléchir sur sa manière à lui de vivre le carême. « Je me suis demandé ce que cela veut dire, pour moi, le carême. Le lendemain du repas avec Younes, je n’ai pas mangé. Je voulais me rendre compte des difficultés pour les plus pauvres qui n’ont rien à manger. Je voulais ressentir les choses au plus profond de moi. »
C.B.
Photos : M.J.