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Auteur
Thibauld Menke
Date
22 janvier 2025
Catégories
Oecuménisme
Spiritualité
Type
Le Credo, une partition pour l’Eglise
« Je crois en l’Esprit-Saint, à la sainte Eglise catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. » Ces mots, bien connus des chrétiens, sont prononcés chaque dimanche et répétés pour chaque solennité. Bien plus qu’une simple récitation ou une formule d’un autre temps, le Credo exprime l’essence même de notre foi et demeure une source d’unité pour les croyants. Alors que la semaine de prière pour l’unité des chrétiens touche à sa fin, cet article se penche sur la signification du Credo et sur son rôle dans les défis spirituels de notre siècle.
L’année 2025 est une année somme toute particulière. Année jubilaire, portée sur l’espérance, et anniversaire des 1700 ans du concile de Nicée. Heureuse coïncidence de calendrier, c’est aussi l’année où la pâque catholique est célébrée le même jour que la pâque orthodoxe. Pour toutes ces raisons, le pape François a voulu faire de cette année une année de dialogue et de communion, notamment, autour du Credo, qu’il considère comme « une extraordinaire partition de musique », un symbole attestant de l’unité des chrétiens.
Le Credo
Mais que représente le Credo aujourd’hui ? C’est dans la salle des professeurs du Séminaire de Namur que nous rencontrons l’abbé Joël Spronck, recteur du Séminaire Notre-Dame, et enseignant de dogmatique. « La dogmatique, c’est un mot qui fait un peu peur. Dire de quelqu’un qu’il est dogmatique, c’est dire qu’il est carré… mais en fait, la dogmatique, c’est l’étude des dogmata, des articles de foi, qui sont repris dans le Credo. »
Le Credo serait donc un résumé de la foi ? « Le plus ancien catéchisme romain », tel qu’il est lui-même défini dans le Catéchisme de l’Eglise catholique (CEC, n° 196). « Le Credo, c’est toute une histoire, précise l’abbé Joël Spronck, il ne s’est pas fait en un jour. (…) Dans les Evangiles, dans les Lettres de saint Paul, il y a de petites professions de foi (…), mais il va falloir du temps pour mettre tout cela ensemble. »
Il faut attendre le IVème siècle pour que le Credo soit constitué et dogmatisé. Réunis en 325 dans un concile qui allait marquer la postérité, à Nicée, en actuelle Turquie, tous les évêques de la jeune Eglise s’étaient mis d’accord sur une manière de formuler l’intégralité de la foi. C’est la proclamation du Symbole de Nicée (symbolon en grec, le signe de reconnaissance), lequel sera complété à Constantinople, en 381, et intégré plus tard dans notre liturgie. Si l’Eglise prit autant de temps à dogmatiser sa foi en un symbole unique, c’est parce qu’elle ne souffrit de divisions profondes qu’à partir du IVème siècle. « Le Credo de Nicée-Constantinople répond à des hérésies, contrairement au Symbole des Apôtres », insiste l’abbé Joël Spronck. « L’hérésie visée, c’est l’arianisme, et qui, en résumé, ne reconnaissait pas la divinité de Jésus. (…) C’est pour ça qu’on convoque le concile de Nicée, parce qu’il y a une grande crise dans l’Eglise et qu’elle se divise… c’est pour ça qu’on insiste tellement sur la divinité du Fils. » En cela, le Credo est le fruit d’une période de conflits intenses dans la foi chrétienne, dont Nicée fut la résolution.
Credo de Nicée-Constantinople et Symbole des Apôtres
On distingue en général deux formes de Credo : un premier, romain, hérité de la liturgie baptismale, le Symbole des Apôtres, et un second, oriental, et communément appelé Symbole de Nicée-Constantinople. Le Symbole des Apôtres, déjà attesté à l’époque de Tertullien (début du IIIème siècle), est plus court, et antérieur à celui de Nicée. Ils ont pour point commun de commencer cependant par le même mot : Credo, qui lui donnera son nom.
Ce que le Credo exprime, c’est la croyance en la Trinité. « Credo in unum Deum », « Je crois en un seul Dieu », au Verbe, son Fils qui prit chair, par l’Esprit-Saint, et qui eut la destinée qui fut sienne : crucifié, relevé au troisième jour, emporté aux Cieux, et prenant place à la droite du Père. Des formules complexes, mais exprimées simplement, qui témoignent de l’essentiel de notre foi. « Il reviendra dans la gloire, juger les vivants et les morts… c’est pas tout de le dire, mais il faut essayer de le comprendre », poursuit l’abbé Joël Spronck. « La dogmatique, c’est l’intelligence de la foi. » Car la foi n’est pas obéissance aveugle, et le dogme n’est pas une croyance adoptée sans réflexion. Il se médite, se contemple et se vit, rappelant par-là que, bien qu’éclairée par la raison, la foi est avant tout « un mystère plus grand que notre intelligence. La foi n’est pas irrationnelle, elle est trans-rationnelle, elle dépasse la raison, mais elle a sa cohérence, sa rationalité interne. »
La place du Credo dans l’œcuménisme contemporain
Composé avant les grandes divisions de l’Eglise – le schisme d’Orient de 1054, et le schisme protestant du XVIème siècle – le Credo demeure un point d’accord entre toutes les sensibilités chrétiennes. À partir de ce texte, l’Eglise peut dialoguer, méditer les mystères de la foi, prier, y compris avec les chrétiens orthodoxes ou protestants ; car il a été rédigé à une époque de troubles, et précisément dans le but de ramener ceux qui s’étaient égarés dans l’erreur, par une série de discussions – le Concile – qui ont abouties à sa rédaction.
Ce que nous pouvons souhaiter, pour 2025, « c’est un recentrement autour du Credo », nous invite l’abbé Joël Spronck en guise de conclusion. Nous retrouver autour du Credo, c’est redécouvrir notre foi. Retrouver ces formules tissées d’expressions néotestamentaires, héritées des Anciens, et de leur souci de l’unité de l’Eglise, à des temps où celle-ci subissait, déjà, les divisions. « Plutôt que de le ré-écrire, il faut ré-habiter le Credo, en montrer la force, la pertinence, la beauté. » Car, dans la liturgie, le Credo « a une fonction d’unité et de communion entre tous les chrétiens. » Bref, une « partition de musique », comme l’exprime le Saint-Père. Car, à l’image d’une partition qui incite les musiciens à l’accord et l’unisson, le Credo porte dans son essence la volonté des chrétiens de ne faire qu’un. Rappelant la prière que notre Seigneur avait adressé au Père, la veille de sa crucifixion : « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jean 17:20-21)
T.
Pour aller plus loin
Un livre à conseiller sur le Credo, son sens, son histoire : l’ouvrage de Michel Fédou, Le sens du Credo aujourd’hui, paru aux éditions Fidélité, et trouvable au CDD de Namur.
Le texte du Credo (Symbole de Nicée-Constantinople)
Je crois en un seul Dieu,
le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre,
de l’univers visible et invisible.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles :
Il est Dieu, né de Dieu,
lumière née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu,
Engendré, non pas créé,
consubstantiel au Père,
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut,
il descendit du ciel ;
Aux mots qui suivent, tous s’inclinent jusqu’à « s’est fait homme ».
Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie,
et s’est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.
Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures,
et il monta au ciel ; il est assis à la droite du Père.
Il reviendra dans la gloire,
pour juger les vivants et les morts ;
et son règne n’aura pas de fin.
Je crois en l’Esprit Saint,
qui est Seigneur et qui donne la vie ;
il procède du Père et du Fils ;
avec le Père et le Fils,
il reçoit même adoration et même gloire ;
il a parlé par les prophètes.
Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique.
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
J’attends la résurrection des morts,
et la vie du monde à venir.
Amen.