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Auteur
Christine Bolinne Auteure
Date
17 juin 2025
Catégories
Communauté
Vocation
Type
Le Père Petr Charolide, nouveau Père Abbé de Rochefort
Un chemin mène, à travers champs, à l’abbaye Saint-Rémy de Rochefort. Vous voilà en pleine nature. Un calme absolu seulement troublé par le chant des oiseaux. L’abbaye vous ouvre ses portes pour une retraite ou, bien sûr, pour y vivre un office. Au détour d’un couloir, vous croiserez, le Père Petr Charolide, 44 ans, le nouveau père abbé. Rencontre.
Le Père Petr Charolide, originaire de la République Tchèque, est le nouveau Père Abbé de l’abbaye de Rochefort. Il a été élu le 31 mai dernier. Il succède ainsi à Dom Gilbert Degros qui, atteint par la limite d’âge, a donné sa démission. Le Père Petr est un homme souriant, posé. Un moine encore surpris, presque gêné, quand, au détour, d’un couloir, on le salue d’un « Bonjour Père Abbé ».
Une abbaye de Rochefort qu’il connaît bien pour y être arrivé en 2016. La journée du Père Petr Charolide démarre, toujours, au cœur de la nuit. A 3h30, avec les autres moines, le Père Abbé est à l’église pour les Vigiles. Certains, après ce premier temps de prière, retrouveront leur lit pour y prolonger la nuit. Pas le Père Abbé. A cette heure-là, il est souvent à l’église à prier. Un temps intense qu’il apprécie énormément. Prière qui le mènera jusqu’aux Laudes (6h30) suivies de l’eucharistie (7h) : « Pendant la journée, les sollicitations sont nombreuses. Là, c’est un moment tranquille, de grand silence. » Avant d’ajouter, dans un éclat de rire : « Il faut juste apprendre à gérer son sommeil ! »
Une vie fraternelle
A la fin de ses études secondaires, Petr Charolide n’a aucune hésitation quant à son avenir. Il a une conviction bien ancrée en lui : sa vie, il la consacrera à Dieu. Autre certitude, il entrera dans une abbaye pour y mener la vie d’un moine contemplatif. « Ou plutôt, précise-t-il immédiatement, une vie de prière et de travail. » « Une vie fraternelle, ajoute-t-il encore. Je ne veux pas vivre en solitaire. » Bien des années se sont écoulées et le moine est convaincu que son choix de vie est le bon : « Je n’aurais pas la force d’être, aujourd’hui, curé de paroisse, les exigences sont tellement nombreuses. J’ai beaucoup de respect pour ces prêtres de paroisse et d’une manière générale pour toute vocation. »
Petr Charolide a donc rejoint, dans son pays, la fondation de Nový Dvůr, future abbaye cistercienne de l’ordre des Trappistes. Nový Dvůr est une fondation de l’abbaye de Sept-Fons, en France. L’abbaye, comme une mère, aide la fondation à s’installer, à grandir. La situation des candidats à la vie monastique en République Tchèque n’a pas toujours été simple. Cette vie monastique à laquelle de nombreux jeunes aspirent est quasi inexistante suite à une décision de l’empereur Joseph II interdisant les ordres contemplatifs. Le régime communiste interdira, par la suite, tous les ordres religieux. Et comme si cela ne suffisait pas Nový Dvůr est situé en Bohême, une région quasi totalement déchristianisée ! Frère Petr Charolide vit entre la République Tchèque et la France où il se forme à l’abbaye de Sept-Fons. Il apprend le français. « C’était intéressant de découvrir une nouvelle culture. »
Il séjournera, ensuite, de longs mois au Venezuela, au service de l’Ordre. Il se lance, cette fois, dans l’apprentissage de l’espagnol. Le pays traverse une crise. « Il faut servir dans toutes les conditions » ajoute-t-il. Une période enrichissante certes, mais aussi difficile. Car suite aux troubles dans le pays, à côté de personnes « extraordinaires » comme il dit, le monastère doit affronter d’autres qui ont plongé dans la malversation…
« Il y a des vocations en Belgique »
En 2016, le Père Petr Charolide rejoint Rochefort, ils étaient alors une quinzaine de moines. Aujourd’hui, ils sont une dizaine à vivre à l’abbaye. Une vie définie selon la Règle de Saint-Benoît faite de prières et de travail, « Ora et Labora » . Prière durant les sept offices quotidiens. A cela s’ajoute la prière personnelle. Quelques huit heures sont réservées au sommeil et les six autres heures au travail intellectuel et manuel. « Je suis venu pour servir le Seigneur et les frères. »
Jusqu’à son élection, le Père Abbé veillait sur les novices. Les vocations ne sont pas nombreuses mais elles sont là et c’est ainsi que le noviciat, à Rochefort, a été de nouveau ouvert. Le Père Abbé : « Grâce à Dieu nous venons d’ordonner deux diacres. Il y a des vocations en Belgique, des jeunes qui s’intéressent à la foi. Ils n’ont plus peur de la professer, c’est encourageant. » S’occuper du noviciat est un travail à temps plein, il faut organiser la formation, les études mais pas seulement. Il s’agit d’accompagner les novices au quotidien, répondre aux questions, gérer les éventuelles baisses de moral… Le Père Abbé : « Que la personne se destine à travailler dans un hôpital, dans l’enseignement, dans la vie monastique… qu’importe, si elle a la vocation pour ce qu’elle a choisi, on la voit s’épanouir. Même s’il y aura des épreuves, sa joie est sous-jacente. Je suis là pour transmettre, pour l’accompagner plus loin. »
« Je n’ai pas peur »
Conservera-t-il sa mission au noviciat ? Poursuivra-t-il celle de chantre ? Si lui n’accomplit plus une tâche, elle doit être confiée à un autre moine. Tout cela se met en place. « Ces derniers jours ont été ceux des bouleversements. Mais la vie monastique demeure première par rapport à la charge abbatiale, même si c’est un beau titre. La vie monastique doit se vivre dans le monde tel qu’il est aujourd’hui. » Le Père Abbé jette un œil sur son smartphone, un outil du quotidien. Il reconnaît que les réseaux sociaux sont bien utiles aujourd’hui s’ils sont utilisés avec sagesse et prudence.
La bénédiction du nouveau Père Abbé aura lieu à la fin de ce mois. « Je n’ai pas peur, cela me dépasse tellement. Je donne et je donnerai tout ce que je peux. Le reste ? A la grâce de Dieu. Et si Dieu m’a appelé à ce service, j’ai l’assurance qu’il sera aussi là pour m’aider. » Quand on l’interroge sur la manière dont il voit sa charge de Père Abbé, il renvoie directement à la Règle de Saint Benoît où tout est inscrit. Le Père Abbé y est-il mentionné « est ainsi considéré comme tenant dans le monastère la place du Christ » qui « est venu plus pour servir que pour régir. » C’est la Règle de Saint-Benoît qui donne encore le cadre de la mission du nouvel élu de qui on attend, au quotidien discernement et modération.
Christine Bolinne