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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
17 avril 2025
Catégories
Tourisme
Type
Réouverture de la collégiale Sainte-Begge à Andenne
De style néoclassique la collégiale est dédiée à Sainte Begge, princesse mérovingienne du VIIe siècle et fondatrice du monastère auquel appartenaient les sept églises détruites pour permettre sa construction. Monument emblématique situé à Andenne, la collégiale Sainte-Begge élevée au rang de Patrimoine exceptionnel, incarne depuis sa fondation non seulement l’héritage spirituel de la région, mais également son histoire architecturale et culturelle. Après trois années et demie de travaux de restauration qui ont pris le parti de lui rendre son aspect originel, elle réouvre ses portes en grandes pompes en février 2025.

Arrivés place du Chapitre, nous sommes tout d’abord impressionnés par l’aspect imposant et majestueux du bâtiment en pierre calcaire dont la façade – qui vient d’être restaurée – comporte deux niveaux garnis de pilastres et de balustrades, couronnés d’un fronton triangulaire mouluré. Dans un renfoncement de la place, nous découvrons une fontaine à trois bassins. Une petite niche grillagée protège une statuette de la sainte patronne. La légende raconte qu’anciennement cette fontaine de sainte Begge fut appelée « Fontaine aux Poussins », en référence à la fondation du monastère par la sainte au VIIe siècle ; son fils, Pépin II dit Pépin de Herstal chassant sur la rive droite de la Meuse, y aurait trouvé ses chiens en arrêt devant une poule qui protégeait ses sept poussins. Un signe, parmi d’autres, que la trisaïeule de Charlemagne interpréta comme une volonté divine de construire un monastère et sept églises à cet endroit. À droite de la fontaine, on peut d’ailleurs encore observer la porte Saint-Etienne et une partie du mur de l’encloître qui entourait ces sept chapelles. Les maisons à l’entour comptent parmi les plus anciennes d’Andenne : maisons de chanoinesses et presbytère. Avec la permission de l’Impératrice MarieThérèse d’Autriche et en raison de leur vétusté ces églises furent détruites au XVIIIe siècle. Leurs pierres servirent pour la construction de la nouvelle collégiale érigée sous la direction du célèbre architecte Laurent-Benoît Dewez, premier architecte du gouverneur des Pays-Bas autrichiens, sur le modèle de l’église Notre-Dame de Mont-devant-Sassey. Une construction qui s’étala de 1764 à 1778, date de sa consécration par Mgr Lobkowitz.
Elisabeth De Coninck, historienne de l’art, restauratrice et membre de la fabrique d’église nous accueille dans la collégiale. En entrant, à l’est, nous sommes face à l’autel ouest dédié à sainte Gertrude. « Elle est la sœur de sainte Begge et la fondatrice d’un monastère à Nivelles qui inspira sainte Begge dans la fondation de son abbaye mérovingienne à prédominance féminine explique Mme De Coninck. Les moniales y suivaient une règle inspirée de saint Benoît et saint Colomban. Au XIIIᵉ siècle, cette abbaye fut sécularisée et devint un chapitre de chanoinesses, exclusivement recrutées parmi la noblesse. Cette transformation témoigne de l’évolution des institut ions religieuses de l’époque, où le clergé féminin s’intégrait aux structures sociales et politiques dominantes. Les chanoinesses, tout en menant une vie pieuse, jouissaient d’un statut privilégié leur permettant de conserver leurs biens personnels ».
Devant l’autel de sainte Gertrude, quatre monumentales statues en bois viennent d’être restaurées. Elles sont l’œuvre du namurois Feuillen Houssart (1710-1753), et garnissaient les niches de la façade. Dans le transept est, face à celui de sainte Gertrude se trouve l’autel dédié à sainte Begge avec dans l’absidiole à l’arrière, sa chapelle où les pèlerins et fidèles vénèrent la sainte à proximité du « banc de marbre noir » sur lequel l’histoire raconte que son cercueil reposa. La relique de sainte Begge est aujourd’hui conservée dans la châsse qui se trouve dans l’espace muséal.
Un patrimoine exceptionnel
Au fil des siècles, la collégiale a rassemblé un patrimoine exceptionnel, préservé en partie grâce aux efforts du doyen Léonard-Joseph Courtoy. Arrivé dans une église dépourvue de mobilier, il y intégrera des œuvres remarquables. Parmi elles, un tableau de Louis Finson (1615), « Le Massacre des Innocents » un chef-d’œuvre baroque flamand représentant avec puissance cet épisode tragique relaté dans l’Évangile selon Saint Matthieu. La technique picturale est remarquable, jouant, tel Le Caravage, de l’ombre et de la lumière et de la puissance plastique des corps pour exprimer la douleur humaine ; Le maître-autel monumental en marbre mérite aussi de s’y arrêter. Acquis entre 1863 et 1865, il pèse plus de 30 tonnes !
L’abbé Courtoy commanda encore à Isidore Lecrenier les six tableaux qui habillent le chœur et retracent les épisodes marquant de la vie de sainte Begge décédée en 694. On peut encore y découvrir du mobilier ancien comme la chaire de vérité ou les stalles du chœur en bois finement ciselé qui viennent de Sainte-Marie majeure, l’une des sept églises bâties dans l’encloître du site avant la construction de la collégiale.
Mais le véritable joyau est sans conteste le trésor qu’elle abrite. On y trouve bien évidemment la châsse de sainte Begge, un chef-d’œuvre d’orfèvrerie en argent doré du XIIᵉ siècle qui conserve les reliques de la sainte et reste une attraction majeure pour les pèlerins ; mais également des objets liturgiques d’une grande valeur historique et artistique – des calices, des croix processionnelles, des manuscrits enluminés – des sculptures ou encore des textiles et de l’orfèvrerie, des porcelaines et des monuments funéraires allant du XVIe au XXe siècle. « L’espace muséal est maintenant au cœur des discussions. Il fait partie d’un projet pédagogique plus large qui est en train de se mettre en place, ajoute Mme De Coninck. Il comprendrait la visite du trésor avec une scénographie repensée et des panneaux explicatifs sur l’histoire de la collégiale ».
Une restauration ambitieuse
Entamés en août 2021, les travaux de restauration ont permis de redonner à la collégiale son éclat d’origine tout en respectant son histoire. Ce chantier, supervisé par des experts, incluait des travaux extérieurs et intérieurs : « toute l’église est repeinte en gris perle, qui rend à l’église sa luminosité et son éclat d’antan ». Des fresques anciennes, rinceaux, végétaux, étoile…ont également été redécouvertes : de petites découpes proprement réalisées dans le nouvel enduit permettent d’en garder quelques fragments apparents. Le choix réalisé pour la restauration étant effectivement le retour à l’époque initiale de la construction.
Enfin, les travaux comprenaient la restauration de la façade extérieure et de la toiture au niveau des gouttières, corniches et zincs et une révision complète de l’électricité et de l’éclairage, avec une scénographie moderne adaptée aux besoins liturgiques et patrimoniaux.
« Ce chantier a été long et très exigeant en termes de temps et de suivis » souffle Mme De Coninck qui est heureuse du résultat et des découvertes réalisées lors de ces travaux. « La réouverture est attendue par tous ». Une réouverture qui s’est faite sur deux jours : avec Mgr Warin, le doyen d’Andenne et les autorités communales d’une part ; au cours d’une eucharistie festive présidée par le chanoine Rochette, d’autre part. Depuis le 3 février, l’église est de nouveau accessible au public toute la semaine de 9h à 18h. Ne manquez pas de faire un détour pour re/découvrir cette collégiale restaurée, classée depuis 1938 et depuis 2013, élevée au rang de Patrimoine exceptionnel !
Notre reportage vidéo sur la collégiale
Christine Gosselin