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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
1 octobre 2023
Catégories
Patrimoine
Tourisme
Type
L’abbatiale Saint-Pierre d’Hastière Par-delà
De passage à Hastière sur les traces de saint Walhère, nous sommes tombés sous le charme de cet édifice roman dont Jonathan Porignaux, guide et sacristain nous a fait vivre les secrets et retracé l’histoire bientôt millénaire. De la nef romane au chœur gothique, en passant par la crypte sous l’autel, nous avons côtoyé la vie des moines, l’agrandissement de l’abbaye puis sa destruction sous les assauts des Révolutionnaires français et enfin sa reconstruction comme église dédiée à la vie paroissiale. Un voyage mémorable !

C’est au XIe siècle que l’histoire commence. Des moines irlandais s’installent sur la rive droite de la Meuse qui divise la petite cité d’Hastière en deux et y fondent une abbaye bénédictine. De style roman, elle n’est au début qu’une petite chapelle de l’ancien prieuré Notre-Dame dépendant de l’abbaye de Waulsort. Elle se développera progressivement pour devenir, à son tour, une abbaye principale en 1033.
« Séparées les abbayes resteront proches, jusqu’à avoir un même Père abbé, dont la pierre tombale se trouve dans le chœur de l’abbatiale d’Hastière » explique Jonathan Porignaux, sacristain de l’église depuis plus de 20 ans.
C’est effectivement le Père abbé Allard de Hierges qui, pour faire face au nombre croissant de moines, fit agrandir l’ancienne abside romane par un chœur gothique en 1260. L’abbaye abritera ainsi 800 ans de vie monastique et villageoise qui se lisent un peu partout sur ses murs, sols, crypte, statuaire, clochers… L’art roman et gothique s’y côtoient pour le plus grand bonheur de la sobriété et de la luminosité. Les miséricordes des stalles sur lesquelles les moines s’appuyaient durant les offices racontent aussi cette vie entre bien, mal, prière, pèlerinage, seigneur féodal (témoignant de la noblesse de la religion), oiseau qui tient dans son bec un phylactère, satire de la femme médisante à bannir, etc.
Datées de 1433, ces satires grimaçantes s’opposent au visage doux et aimant de la vierge à l’enfant d’Hastière qui trône au centre du Chœur. Pendant des siècles, les pèlerins lui demandèrent protection, touchant le visage et le genou de Jésus qui tient conjointement en main avec sa mère, le raisin, fruit de la vigne, symbole de la vie. Une grappe de raisin que l’on retrouve aussi sur les stalles et qui fut très importante pour l’abbaye.
Effectivement, entre Hastière, Waulsort et Dinant toutes les collines étaient couvertes de vignes que les moines cultivaient pour en faire du vin. Celui-ci était embarqué sur la Meuse dans des bouteilles épaisses marquées du sceau de l’abbaye et acheminé vers l’Allemagne ou le sud de la France. On en retrouve des tessons dans la crypte située sous le maître-autel. Nous y descendons à la suite de notre guide, plongeant dans le passé éloigné et les racines de l’église. Notre guide nous explique que la crypte fut d’abord rebouchée au XIIIe siècle avant d’être redécouverte à l’époque contemporaine. Cela explique la surélévation de l’autel qui coupe l’église en deux et sépare le chœur de la grande nef. Nous y découvrons, des graffitis muraux datés du XIIe , des sarcophages mérovingiens (VIIIe ), des reliquaires anciens et bien d’autres vestiges de l’ancienne abbaye. « Chaque pierre, chaque élément architectural, chaque apport sculptural parle d’une certaine conception du monde et de l’homme… » souligne Jonathan Porignaux qui attire encore notre attention, à la sortie de la crypte, sur un calvaire remarquable datant du XVIe siècle et situé juste au-dessus de nos têtes sur une poutre. Il présente un dragon anéanti sous les pieds d’un Christ en croix triomphant. Incendiée en 1568 par les Huguenots, c’est la Révolution française (nous sommes à quelques kilomètres de la frontière) qui détruisit complètement l’abbaye en 1793.
Les moines furent torturés et ceux qui survécurent s’enfuirent à Saint-Hubert. Restée en ruine pendant près d’un siècle, sa restauration comme église paroissiale durera des années. La grande tour et le clocher détruits pendant la Révolution ne furent reconstruits que bien plus tard. Pour continuer à utiliser l’église pour la paroisse, un nouveau clocheton plus petit surmonté d’un coq fut érigé au milieu de la nef… Après la reconstruction de la grande tour et la pose du coq sur le grand clocher, notre église compte donc 2 coqs. Une autre particularité de cette abbatiale qui est aujourd’hui l’un des plus beaux monuments d’art roman en Belgique. On peut encore pointer, le Saint-Pierre en bois polychrome, saint patron de l’église, à la droite du chœur ainsi que le triptyque d’Auguste Donnay, dont nous parlions dans le Communications de mai-juin, dans la nef latérale gauche. Étrangement, ces œuvres côtoient sans souci des œuvres d’art contemporain telles qu’un chemin de croix vietnamien ou une œuvre de Claude Lyr « le jugement universel » (1972), création surréaliste qui retrace la vie de l’être humain de la naissance à la mort en l’invitant à prendre place courageusement, solidairement et empli d’espérance dans la barque du sens.
Que faire à proximité ?
Toute proche de l’abbatiale – dont vous pouvez également faire une visite nocturne en saison estivale ou bien lors du Festival d’été mosan – se trouve la Maison du Patrimoine, maison de la mémoire qui retrace la vie fluviale, industrielle et rurale du lieu. Pour les amoureux du vélo ou de la marche, le RAVel vous conduira en 4 petits kilomètres jusqu’à Waulsort dont vous pourrez découvrir l’écluse, ou le passeur d’eau qui vous fera traverser ; vous replonger dans le passé à la villa Belle époque qui vous transportera en plein cœur des années 1900 ou visiter le château de Waulsort (ancienne abbaye). Le charmant petit village de Hierges dont était originaire le Père abbé Allard vous attend également de l’autre côté de la frontière. Son château, sa fontaine, son église, sa tranquillité valent certainement le détour…
Christine Gosselin