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Auteur
Thibauld Menke
Date
20 février 2025
Catégories
Diaconat
Jubilé
Liturgie
Type
« Être diacre, ce n’est pas avoir un t-shirt ‘I love Jesus’, c’est humblement pouvoir se mettre au service, dans les petites choses »
À l’occasion du jubilé des diacres et à l’approche de la rencontre interdiocésaine du diaconat, nous avons rencontré Jacques Delcourt, diacre bien connu de notre diocèse, et rédacteur en chef de la revue DiacoNamur. Nous lui avons posé un certain nombre de questions relatives à ce ministère hélas trop peu connu. Quand on lui demande de parler de sa fonction de diacre, il nous répond : « être diacre, ce n’est pas une fonction, c’est un état ! » Mais, dès lors, un diacre, qu’est-ce que c’est ? Quelle est sa différence avec le prêtre ? En d’autres mots, quel est l’état du diaconat ? et quelle espérance porter pour ce ministère ?
Diacres, base de la hiérarchie catholique, au service de la charité
À l’origine, il y avait les apôtres. Les apôtres, suivant l’injonction du Christ d’aller « faire de toutes les nations des disciples » (Matthieu 28,19), ont essaimé partout dans la Méditerranée, et bien plus loin encore, où ils ont créé des communautés, des églises. Ces communautés s’organisaient autour d’évêques – episkopos, le sur-veillant –, mais avec l’essor de l’Église, « ils se sont sentis dépassés », nous informe Jacques Delcourt, diacre dans le doyenné de Barvaux. « Les évêques avaient besoin de lieutenants, de gens qui les représentaient, c’étaient les prêtres. » Et puis, de manière très concrète, ils eurent besoin de fidèles pour les servir. Les Écritures nous l’enseignent, dans les Actes, lorsque les apôtres imposent les mains sur les sept premiers diacres :
Les Douze convoquèrent alors l’ensemble des disciples et leur dirent : « Il n’est pas bon que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, des hommes qui soient estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous les établirons dans cette charge. En ce qui nous concerne, nous resterons assidus à la prière et au service de la Parole. » (Actes 6,2-4)
Le diacre naît donc d’un besoin : celui du service. Il tire d’ailleurs son nom du mot grec diakonos, le serviteur. Mais, au service de quoi ? Les baptisés ne sont-ils pas déjà tous au service de Dieu ? Certes ! « Mais le diacre, a fortiori ! », souligne Jacques. Le diacre est celui qui s’est consacré au service. « Un diacre qui répare les escalators dans une grande gare de Belgique me disait : ‘quand je ressers les boulons, je pense à toutes les personnes qui vont emprunter l’escalator ici, et je me dis que je suis au service de toutes ces personnes’, et cette image m’a frappé très fort ! Être diacre, ce n’est pas avoir une bannière et un t-shirt ‘I love Jesus’, c’est humblement pouvoir se mettre au service, dans les petites choses. »
En communion avec leur évêque, les diacres servent donc le Peuple de Dieu dans les trois dimensions suivantes : liturgie, Parole et charité (LG 29). Ils ont aussi l’autorisation, en accord avec le prêtre de leur paroisse, de pratiquer les sacrements. « Tout ce que nous le faisons, nous le faisons sous la responsabilité d’un curé ! », insiste Jacques Delcourt. Ainsi, il appartient aux diacres d’administrer « le baptême, de conserver et de distribuer l’Eucharistie, d’assister, au nom de l’Église, au mariage et de le bénir, de porter le viatique aux mourants, de donner lecture aux fidèles de la Sainte Écriture, d’instruire et exhorter le peuple, de présider au culte et à la prière des fidèles, d’être ministres des sacramentaux, de présider aux rites funèbres et à la sépulture. » (LG 29)
Le diacre est-il un petit prêtre ?
Avec autant de missions pour le diaconat, une confusion peut cependant advenir : quelle est la différence entre le diacre et le prêtre ? Pour Jacques Delcourt, le diacre est « le bras droit » de l’évêque, « un bras qui va permettre cette aide des pauvres, des étrangers, de ceux qui sont dans le besoin. Le diacre n’est pas ordonné en vue du sacerdoce, mais en vue de la charité. »
Et c’est une différence de taille ! En ceci, le diacre permanent n’est pas un petit prêtre, il n’a pas pour vocation le sacrifice, le sacerdoce, mais le service. « Le diacre est ancré dans le monde (…), nous précise Jacques Delcourt, il est habituellement marié et peut avoir des enfants. Ce qui reflète un petit peu ce qu’il se passe dans la société. (…) Les diacres sont aussi des gens dans le milieu professionnel. On insiste beaucoup dans notre diocèse sur le fait que nous sommes des ferments dans la pâte, dans la famille et le monde professionnel. »
Le diacre étant à la base de la hiérarchie de l’Eglise, il est ainsi le clerc le plus proche des laïcs. Celui qui partage avec eux la réalité de la vie professionnelle, et parfois maritale. Car, à cet égard, si le célibat est imposé aux prêtres, le diacre a l’autorisation de se marier – s’il le fut avant son ordination ; l’ordination étant un sacrement définitif, le diacre ne peut se marier après avoir été ordonné. Et c’est cette proximité avec les laïcs qui donne au diacre son importance : il est celui qui a consacré son existence au service de la Parole – le diacre proclame la Parole –, de la liturgie – le diacre assiste le prêtre et l’évêque dans la liturgie –, et dans la charité ; rappelons-nous l’extrait des Écritures déjà citées : le diacre doit être « estimé de tous ».
Un ministère récent et invisible
Si le Concile de Nicée fête cette année ses 1700 ans, le diaconat vient à peine de dépasser ses soixante ans. Du moins, tel qu’il est établi aujourd’hui. C’est le Concile Vatican II (1962-1965) qui a institué le diaconat permanent. Pourquoi permanent ? Car, avant cela, les diacres ne l’étaient que de manière transitoire, en vue du second sacrement d’ordre, celui de la prêtrise. Le diaconat était alors vu comme une étape pour devenir prêtre, et non comme un ordre spécifique et autonome, avec sa mission propre. A ce titre, les séminaristes, avant d’être ordonnés prêtres, sont aussi ordonnés diacres.
C’est la constitution dogmatique Lumen Gentium de 1964 qui en dessine les contours : « Au degré inférieur de la hiérarchie se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains non pas en vue du sacerdoce, mais en vue du ministère. » (LG 29) Le diacre est donc à la base de la hiérarchie catholique ; une hiérarchie trinitaire qui tire son origine dans les trois niveaux du sacrement d’ordre : diacre, prêtre, évêque.
Jacques Delcourt le regrette, mais le ministère du diaconat est relativement invisible. « On est dans la soixante-et-unième année du diaconat permanent, et force est de constater qu’on n’a toujours pas de place dans l’Église. On ne nous connaît pas. On ne sait pas qu’on existe. (…) Nous sommes dans un ministère qui est resté tout à fait invisible. » Il garde cependant espoir, citant Jacques Dessaucy, célèbre diacre namurois : « Bah ! Il n’y a que soixante ans que le diaconat existe, il faudra encore une centaine d’années avant qu’on ne soit vraiment reconnus ! »
Si le diaconat demeure méconnu, c’est parce que la présence d’un diacre n’est pas requise automatiquement dans une paroisse, mais aussi parce que la théologie et la pastorale du diaconat se cherchent encore. Ce fut d’ailleurs l’une des interrogations de l’abbé Joël Spronck, recteur du Séminaire de Namur, lors de son discours de rentrée 2024-2025 : la refonte de la hiérarchie de l’Église ayant suivi Vatican II, et notamment l’institution du diaconat permanent, pose les questions de l’interministérialité.
Pour Jacques Delcourt, cette interministérialité ne se fera qu’en affirmant la visibilité du diacre. « Maintenant, ça fait vingt ans que je suis ordonné, les gens de Durbuy savent bien qui est le monsieur à côté du prêtre qui célèbre l’Eucharistie… ils voient bien le diacre, mais… bon, si je vais à Houffalize, ils n’ont jamais vu un diacre de tout près ! »
Le jubilé est l’occasion pour nous de cependant méditer sur l’espérance. « Ce que j’espère, c’est la fraternité » nous répond Jacques Delcourt. « L’importance d’un dialogue fraternel entre tout le Peuple de Dieu, dans lequel il y a des prêtres, des baptisés, des religieux, des diacres, des évêques. »
Cette idée du dialogue pourrait passer pour un vœu pieux, de vaines paroles répétées à l’emporte-pièce, il demeure cependant que le diacre a un rôle à jouer dans l’unité de l’Église, et donc, dans la communion du Peuple de Dieu. Il est un pont entre laïcs et clercs, monde professionnel et monde religieux ; c’est aussi un expert de la liturgie, des sacrements, qui sont la sauvegarde des traditions de notre Église. Le diacre, c’est aussi un individu qui a consacré sa vie au service, dans une époque où l’engagement évoque la crainte. Loyaux envers le Christ, fidèles à la charité. Nous donnons ainsi raison à Jacques Delcourt, et par-là à Jacques Dessaucy qu’il cite : le diaconat a un avenir. Il est celui de l’Église. Alors, jubilons avec eux, jubilons pour eux !
T.
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Jacques Delcourt Jacques a commencé comme petit servant de messe, à une époque où « le curé tournait encore le dos au peuple. » Il étudie les sciences religieuses à Charleroi, puis devient professeur de religion à Barvaux. Résolument tourné vers le service aux pauvres, il est engagé dans de nombreuses institutions et associations caritatives d’aide sociale ou d’aide aux malades, aux personnes en situation de handicap. Il fut aussi moniteur de secourisme et ambulancier. C’est grâce à la rencontre de parents d’élèves, consacrés au diaconat, qu’il est interpellé au service de la charité, au diaconat. Il est aussi rédacteur en chef de la revue DiacoNamur. |