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Auteur

Christine Bolinne Auteure

Date

10 février 2015

Catégories

Sanctuaire de Beauraing

Type

Vie d’Église

Gilberte Degeimbre est partie rejoindre « la Belle Dame »

Gilberte Degeimbre s’est éteinte ce mardi 10 février. Elle avait 93 ans. Elle était le dernier témoin de Beauraing. A lire, un témoignage, celui de Gilberte qui racontait les apparitions.

Avec le décès de Gilberte Degeimbre, une page se tourne pour les sanctuaires de Beauraing. Gilberte ne sera plus là pour témoigner comme elle l’a fait avec tant de cœur, de ferveur au fil de toutes ces années. Elle était le dernier témoin encore en vie de la Vierge dans cette cité.

Les funérailles seront célébrées ce samedi 14 février à 10h30 aux Sanctuaires de Beauraing dans la crypte du Rosaire.

Témoignage recueilli en octobre 2010

Gilberte Degeimbre: « A ma mort, j’espère retrouver la Vierge »

Pas un jour, pas une heure sans que les pensées de Gilberte Degeimbre ne rejoignent la « Belle Dame » comme elle dit. Gilberte Degeimbre, 86 ans, avait 9 ans lorsque la Vierge lui est apparue pour la première fois. C’était à Beauraing, à hauteur du pont du chemin de fer. Elle était avec quatre autres enfants tout aussi insouciants qu’elle quand la Vierge s’est présentée, là, devant eux. Des enfants qui, du jour au lendemain, ont vu leur vie changer. Traités de menteurs, soumis à des interrogatoires à n’en plus finir, Gilberte et ses amis n’avaient pourtant qu’un désir que la « Belle Dame » continue à leur apparaître. Gilberte est la dernière des cinq voyants encore en vie. Et elle continue à vivre avec cet espoir chevillé au corps.

Après bien des années passées en Italie, Gilberte Degimbre est revenue vivre, avec son mari, à Beauraing. Toute coquette dans sa jolie robe bleue, Gilberte ouvre la porte de son habitation. Et quand on s’excuse de lui demander de raconter une nouvelle fois les apparitions, Gilberte sourit et rassure… Les apparitions, ces rencontres avec la « Belle Dame », sont ancrées en elle. Pas un jour sans qu’elle n’en parle, qu’elle témoigne auprès de jeunes et de moins jeunes et toujours avec la même émotion. Un récit qui vous remue au plus profond de vous-même.

Ces soirées de l’automne 1932 et de l’hiver 1933 sont gravées non seulement dans la mémoire mais aussi dans le coeur de Gilberte. Ah ce 29 novembre 1932… La nuit est tombée depuis longtemps déjà. Comme chaque soir, Fernande Voisin, 15 ans, son frère Albert, 11 ans emmènent leurs voisines Andrée Degimbre, 14 ans et Gilberte, 9 ans vers le pensionnat. Ils vont chercher Gilberte Voisin, 13 ans. Un joyeux moment pour cette petite bande: les enfants font la course, sonnent aux portes des maisons et filent, bien sûr, se cacher. « Moi, je ne faisais pas ça. J’étais la plus petite et je ne courais pas assez vite » commente, l’oeil rieur, Gilberte. Arrivé à destination, le petit groupe sonne à la porte du pensionnat. C’est à ce moment précis qu’ Albert Voisin aperçoit, pour la première fois, la « Belle Dame ». Elle est là, à hauteur du pont du chemin de fer. « Nous étions apeurés, une véritable peur panique. Et quand la soeur portière est venue nous ouvrir, nous lui avons montré la  »Belle Dame » habillée de blanc. Elle n’a rien vu: elle nous a dit, avant de nous traiter de petits sots, que cela devait être une branche qui bougeait. Mais nous, nous la voyions. Elle était toujours là, elle ne semblait pas s’intéresser à nous peut-être pour ne pas nous effrayer encore plus. Ses mains étaient jointes, on aurait dit qu’elle était en promenade. A ce moment-là je ne pouvais pas imaginer que nous étions les seuls à la voir. »

« Les chiens ont été les premiers à nous croire ! »

Les enfants ont raconté, la scène, à leurs proches. Immédiatement la maman de Fernande, Gilberte et Albert Voisin a cru ses enfants. Chez les Degeimbre, c’est tout différent. Le papa d’Andrée et de Gilberte est décédé quelques mois plus tôt. Les fillettes sont élevées pas une maman écrasée par la douleur, par le poids des responsabilités. Elle ne pouvait gérer les dires de ses enfants. Le soir suivant, la  »Belle Dame » est de nouveau là. « Nous avions peur bien sûr mais nous espérions tellement la revoir, elle était si belle. » Le doyen de Beauraing n’accorde pas plus de crédit aux dires des enfants. Il se contentera d’un… « Si c’est la Vierge ne prenez pas cela pour un malheur. »

Très vite, l’annonce de ces apparitions se répand comme une traînée de poudre. Beauraing sort de sa torpeur automnale. Les gens affluent non seulement autour des maisons des enfants mais aussi sur le lieu des apparitions. Chaque soir, ils sont des centaines à espérer « voir ».

Les sœurs dépassées, affolées par les dires des petits Beaurinois avaient purement et simplement décidé de fermer le jardin qui entourait le pensionnat. « Elles lâchaient leurs grands chiens. Nous étions tristes car nous craignions que la « Belle Dame » ne vienne plus. Mais elle a continué à nous apparaître. Durant la journée, je ne mangeais plus, je ne vivais que dans l’attente de l’heure de la revoir. Et quand elle ne venait pas, pour nous, c’était comme un malheur. Les gens racontent que quand elle apparaissait nous tombions à genoux. Le bruit de nos genoux sur le sol résonnait comme un claquement. Les témoins ont aussi raconté que notre voix changeait. » Les enfants continuent à voir la Vierge qui n’apparaît plus près du pont du chemin de fer mais près d’un houx puis sous la branche de l’aubépine. Elle se rapproche des enfants. « Les chiens des religieuses seront les premiers à nous croire. Avec tout ce monde autour du couvent, ils étaient déchaînés, ils aboyaient. Et quand la Vierge apparaissait, ils se taisaient. Ils étaient tout calmes ».

Brûlée, pincée …

Les enfants se font traiter de menteurs, de petits sots. Pour certains, ils sont victimes d’hallucinations. Si la foule se précipite à Beauraing, elle est rejointe par des enquêteurs: des policiers comme des médecins. La voix de Gilberte est secouée par l’émotion. « Vous ne pouvez pas savoir ce que nous en avons vécu. C’était des interrogatoires à n’en plus finir. Ils nous interdisaient d’en parler entre nous. » Les médecins se livreront même à des expériences. A plusieurs reprises lorsque Gilberte est dans cet état extatique, les médecins approchent la flamme d’une bougie de ses mains. Un de ses camarades sera pincé jusqu’au sang… Non seulement les enfants ne ressentent aucune douleur mais ces spécialistes ne relèvent aucune trace. Gilberte Degeimbre: « Je devais montrer mes mains: je n’avais aucune trace de brûlure ou encore de fumée. J’étais très gênée de leur présenter mes mains. J’étais très troublée par ces apparitions et je n’arrivais plus ni à manger ni à me laver. Et je craignais que les docteurs ne se demandent comment la Vierge pouvait apparaître à une enfant aussi sale ! »

La Vierge apparaitra ainsi aux enfants à 33 reprises. « Je n’ai jamais pu dire combien de temps la Vierge nous apparaissait. On nous a dit que cela variait de 10 à 30 minutes. La Vierge avait les mains jointes. Pendant tout le temps où elle était là, nous priions. Nous récitions des Ave Maria. J’avais remarqué que lorsque la Vierge allait disparaître elle écartait les mains. Alors, je récitais de plus belle mes prières et elle restait. » Les yeux de Gilberte brillent d’émotion. « Elle était si belle dans sa robe blanche, si légère. Il y avait un drapé qui partait de l’épaule. Ses pieds étaient dissimulés par un nuage. Sur sa tête, elle portait une couronne avec de longs fils très fins eux aussi dorés. » A partir du 29 décembre, entre ses bras les enfants voient un cœur illuminé, comme un cœur d’or. C’est comme ça qu’aujourd’hui, la Vierge de Beauraing est toujours représentée. « C’est sur base de nos explications que la statue a été réalisée. Lorsque nous la voyions elle était encore bien plus belle que cette statue. »

L’incompréhension d’une mère

En écoutant Gilberte Degeimbre raconter ces apparitions on se rend compte combien ce qu’elle a vécu avec ses petits camarades était beau, fort. « Lorsqu’elle était là nous étions heureux, si heureux… » Mais combien aussi ces enfants ont souffert. « Après le décès de papa, j’aimais bien dormir avec maman, raconte Gilberte. Je me réfugiais contre elle. Après les apparitions, elle me chassait de son lit en disant qu’elle ne voulait pas dormir avec une menteuse. Plusieurs fois, il est est arrivé à maman de nous réveiller, en pleine nuit, ma sœur et moi. Elle nous demandait de raconter ‘notre’ histoire. Elle disait qu’elle pouvait arranger nos mensonges. Mais avec ma sœur on lui disait que nous disions la vérité. Alors elle pouvait entrer dans des colères terribles. » Gilberte essuie les larmes qui coulent sur ses joues. Si les apparitions restent gravées dans sa mémoire, il est des blessures qui continueront, jusqu’à son dernier souffle, à la faire souffrir.
Gilberte Degeimbre contrairement à ce que l’on aurait pu concevoir n’a jamais imaginé entrer dans la vie religieuse. « La Vierge ne me l’a pas demandé » se contente-t-elle de dire. Gilberte épouse André, un enfant du pays, de retour de la guerre. Il connaît l’histoire de son épouse. Le couple vivra de longues années en Italie avant de revenir à Beauraing. Très vite, Gilberte racontera, les apparitions, à ses deux enfants: « Ils trouvent que j’ai eu beaucoup de chance. »

C’est un secret

La Vierge a parlé aux enfants. Elle leur a demandé d’être toujours sages et de prier beaucoup. Elle a aussi demandé la construction d’une chapelle et que Beauraing devienne ainsi un lieu de pèlerinage marial. Le dernier jour des apparitions, c’est-à-dire le 3 janvier 1933, la Vierge aura un message pour chacun des enfants. Un message délivré à chacun personnellement. A Andrée Degeimbre, elle dira: « Je suis la mère de Dieu, la reine des cieux, priez toujours. » Ce message comme deux autres sont gravés sur les murs qui entourent l’Aubépine. Le message de Gilberte ? Elle n’en dira rien « C’est un secret, dit-elle. Et un secret c’est quelque chose que l’on ne peut pas dire. » Il en va de même pour Albert Voisin.

Les yeux de Gilberte s’emplissent à nouveau de larmes. « J’ai beaucoup pleuré. Nous n’étions que des enfants et nous avons été traités de menteurs. Maman nous rejetait. Ce n’est que le dernier soir des apparitions qu’elle a cru ce que nous lui racontions. Sur son lit de mort, à ma sœur et moi, elle a dit: ‘Je me demande comment vous avez encore de l’affection pour moi après tout ce que je vous ai fait subir’. » Gilberte se souvient encore d’autres larmes versées, c’était lorsque Mgr Charue alors évêque de Namur après avoir reconnu le culte de Notre-Dame de Beauraing reconnaît le caractère surnaturel des apparitions. C’était le 2 juillet 1949. « Enfin, on nous croyait » s’exclame Gilberte.

Il faudra attendre des années pour que les enfants, les voyants, parlent entre eux. Vingt cinq longues années s’écoulent avant qu’Andrée et Gilberte osent aborder, entre elles, « LE » sujet. Ce jour-là, parties en promenade, elles se retrouvent, tout naturellement, sur les lieux des apparitions. Les deux sœurs s’avouent mutuellement qu’elles n’ont qu’un espoir: une nouvelle apparition de la Vierge. Tout en se promettant, si leur souhait est exaucé, de n’en rien dire. Ce que nous avons vécu a été, si pénible… Aujourd’hui, j’ai l’espoir, à ma mort, de la retrouver.

Christine Bolinne

La photo: Gilberte, 9 ans, avec sa soeur Andrée, 14 ans, elle aussi témoin des apparitions.

La télévision communautaire Ma Télé avait consacré un reportage à Gilberte Degeimbre. voir en cliquant ici: www.matele.be/gilberte-une-vie-a-l-attendre.

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