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Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
1 janvier 2024
Catégories
Patrimoine
Tourisme
Type
L’Église Saint‑Martin de Chassepierre
Perle blanche posée sur son promontoire rocheux, l’église paroissiale Saint-Martin de Chassepierre domine le village à l’intersection de la rue principale et de l’axe Laiche-Sainte-Cécile. Entourée de son beau cimetière emmuraillé, elle laisse la Semois flâner à ses pieds tandis qu’immergée dans un paysage où prairies verdoyantes et forêts boisées se mêlent harmonieusement, elle scintille sur les rives sinueuses du dernier méandre du fleuve avant de pénétrer les terres sauvages de l’Ardenne.
« L’église paroissiale de Chassepierre est la troisième église bâtie à cet emplacement. Des sources témoignent qu’une église s’y trouvait déjà en 1097 ; mais c’est en 1702 que l’église actuelle sera construite avec une nouvelle orientation. Une rotation de 90° a été réalisée. » explique le président de la Fabrique d’Église, Gérard Sabouin, qui nous accueille devant la tour.
Le millésime apparait effectivement bien visible dans les ancres du clocher de chaque côté de l’horloge et on le retrouve également juste au-dessus du portail d’entrée dans les armoiries de la famille autrichienne Loewenstein – Seigneurs de Chassepierre – nous indique-t-il. Pour que l’église puisse changer d’orientation, la route qui longe la Semois a dû être dévoyée. Monsieur Sabouin en profite pour mentionner qu’anciennement – à l’endroit où nous nous trouvons devant le porche d’entrée, sous la pluie – un parvis avait été ajouté à l’église. Il fut retiré lors de sa restauration, en 2015. « De ce fait, la statue en pierre de saint-Martin à qui l’église est dédiée, a pu retrouver sa niche d’origine en forme de coquille, bien typique de la région », conclut-il.
C’est également au cours de cette restauration que l’église fut entièrement repeinte avec un badigeon blanc qui rappelle les pratiques autrefois utilisées pour protéger les maçonneries des pierres poreuses. Car, tout comme le presbytère juste à côté ou le mur d’enceinte qui entoure son cimetière, l’église est entièrement construite avec les pierres calcaires de la région. L’ensemble est classé par la Région wallonne depuis 1994.
Si le site mérite le classement, il ne facilite cependant pas les restaurations qui doivent encore être réalisées. L’intérieur de l’édifice a beaucoup souffert de l’humidité et mériterait un gros rafraichissement. La peinture de cette belle église-halle s’écaille sur tous les murs, jusqu’au jubé. Et l’escalier de la tour qui mène au clocher mériterait d’être révisé ! Nous y suivons prudemment Gérard Sabouin pour découvrir les cloches, reléguées juste en dessous du clocher en forme de bulbe qui chapeaute la tour de façon baroque et la belle mécanique qui autrefois les animait. Elles résonnent des rôles multiples de l’édifice : lieu de la vie spirituelle, mais aussi repère dans l’espace et le temps.
À l’intérieur, l’église est simple et paisible. Les trois autels sont peints dans des tons verts sourds, carmins et ivoirins à peine relevés de bleu grisé et de dorures. Sur l’autel de gauche, on découvre une vierge habillée datée du début XVIIIe, comme le grand crucifix pendu au mur latéral droit.
Saint Roch et Saint Eloi complètent le décor ainsi qu’une chaire de vérité qui proviendrait de l’ancienne abbaye
d’Orval. Au sol, les carrelages noirs et blancs du chœur contrastent avec le rouge foncé-rouge clair et blancs de la
nef centrale et dynamisent l’ensemble. Autour de l’église, dans le mur d’enceinte, quelques croix en pierre ou fonte attestent d’un passé révolu. Le cimetière a été déplacé. De l’autre côté du mur, le presbytère se distingue des habitations voisines, par la hauteur de ses étages et sa taille importante. Il date de 1790. Entre cette habitation et l’église, un ancien moulin a été démoli en 1980 mettant à jour les vestiges d’une occupation plus ancienne du site : un réseau de galeries et de cavités creusées par l’homme dans l’énorme couche de cron, qui les supporte.
Un escalier en fer, dans la cour du presbytère, permet d’y accéder pour découvrir ce dédale qui se prolonge sous les fondations de l’ancien moulin et rejoint le presbytère, où il se confond avec les caves. On l’a nommé « le Trou des fées » car la légende raconte que « des êtres magiques habitaient ce lieu et pouvaient se rendre à Carignan en empruntant ces souterrains ».
Le site est aujourd’hui aménagé et accueille des manifestations théâtrales, musicales ou autres, notamment lors du Festival International des Arts de la Rue qui a lieu chaque année depuis 1972 à Chassepierre, au mois d’août.
Menacée par les eaux, éclairée par l’Art L’histoire veut que ce soit ce festival qui sauva Chassepierre d’un projet de barrage qui menaçait d’engloutir tout le village. Devenu un festival de renommée internationale, il est le plus ancien festival d’Europe : le temps d’un week-end, tout le village est transformé en théâtre par la venue d’artistes qui en occupent les moindres recoins. Alors, l’église, comme le trou des fées, le presbytère, les places, trottoirs
et parvis se métamorphosent en scènes improvisées, pour le bonheur des spectateurs.
Que faire à proximité ?
Il ne manque pas de découvertes à réaliser dans cette belle région. Déjà dans le village, les ruelles dévoilent l’art qui en imprègne chaque recoin : poésie murale, sculptures…
En suivant le fil de la rivière vers Laiche, la passerelle du Breux, reconstruite en 2003 sur les ruines de l’ancien pont
du tramway laisse encore paraître quelques vestiges de l’ancienne passerelle bombardée. Elle relie les deux entrées basses du village et crée une nouvelle voie RAVeL.
Sur le haut du village, outre le vieux lavoir, la route Florenville-Bouillon offre un magnifique panorama formé d’une des plus belles boucles de la Semois, ainsi qu’une vue caractéristique sur la première cuesta particulièrement abrupte. À moins de 4 km, le charmant petit village de Sainte-Cécile est le point de départ d’une promenade vers la Vanne des Moines dans les forêts d’Herbeumont, un ancien barrage construit par les moines cisterciens de l’abbaye de Conques, un site un peu secret qui ne se livre qu’aux randonneurs…
Christine Gosselin