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Auteur
Thibauld Menke
Date
16 octobre 2024
Catégories
Belgique
Pèlerinage
Type
Pèlerinage de Foy-Notre-Dame : les jeunes au-devant des traditions
En 1994, Michel Breydel de Groeninghe et ses amis ont relancé la tradition du pèlerinage de Foy-Notre-Dame, inspirés par le modèle du pèlerinage de Chartres. Alors que cet événement célèbre cette année les 30 ans de son existence et les 400 ans de dévotion, la participation croissante des jeunes témoigne d’une foi toujours vivante. Entre marche et prières, deux étudiants nous partagent leur expérience. Comment ce pèlerinage, ancré dans la tradition, résonne avec les aspirations de la jeunesse d’aujourd’hui ?
Foy-Notre-Dame est connue depuis 1624 pour avoir été le lieu d’apparition d’une statuette miraculeuse… au creux d’un chêne abattu, l’image d’une Vierge à l’enfant avait été retrouvée par un bûcheron. Très vite, une chapelle y sera bâtie à la hâte, accueillant ses premiers pèlerins et guérisons miraculeuses. En 1909, l’évêque de Namur, Mgr Heylen, couronne la statuette devant douze-mille pèlerins. Cent-quinze ans plus tard, les pèlerins sont moins nombreux, mais la foi ne s’est pas amenuisée. Alors que le pèlerinage célèbre ses trente ans d’existence, mais aussi les quatre-cents ans de la dévotion à Notre-Dame-de-Foy, une observation frappe pèlerins et organisateurs : la forte participation des jeunes !
Tout a commencé en 1994, lorsque Michel Breydel de Groeninghe et cinq de ses amis décident d’organiser un pèlerinage. Leur objectif ? Revivifier la dévotion à Notre-Dame de Foy, sur le modèle de Paris-Chartres. Ils s’engagent alors à marcher de Leffe à Foy, pour y rendre un hommage à la Vierge par une messe célébrée selon le Missel de 1962, de rite tridentin, et que d’aucuns appellent messe saint Pie V ou messe traditionnelle.
Ces dernières années, la participation des familles, mais surtout des jeunes, a explosé. Ils peuvent se rencontrer, partager leurs projets, organiser des marches régulières entre catholiques. Foy-Notre-Dame est un pèlerinage qui, comme beaucoup d’autres, matérialise la vie chrétienne dans ce qu’elle a de plus vivace, et de plus actuel. Signe de cette ferveur et de l’engouement des pèlerins : l’arrivée à Foy. Il faut dire que le village est installé dans une plaine entourée de collines, qu’il faut franchir avant d’en apercevoir l’église. Et c’est dans cette ambiance « de films » que deux jeunes, Quentin et Emanuele, nous racontent comment les pèlerins se sont agenouillés, tous comme un seul homme : « C’était très touchant, tu montes, tu vois l’église, ces beaux espaces, ces paysages de campagne (…) et aussi avec tous nos drapeaux (…). » Pour sûr, la turbidité, si typique au mysticisme condruzien, dût prendre sa part dans l’engouement des esprits, mais ce qui a touché les cœurs, ce furent surtout les grâces de Marie : « (…) se dire que la Vierge est près de nous, qu’elle veille sur nous… se mettre en route pour Notre-Dame, c’est quelque chose de magnifique. »
Quentin est un étudiant namurois de dix-neuf ans et converti depuis quelques années. Il organise régulièrement des randonnées spirituelles avec ses camarades d’université, mais n’a jamais eu l’occasion de pèleriner. « Paris-Chartres tombe toujours en période de blocus », nous dit-il. Le pèlerinage de Foy, c’était sa grande première. Quand on lui demande ce que ça lui a apporté, il répond : « On abandonne tout, les études, nos problèmes, nos familles, tous les cours à l’université, la vie quotidienne, le téléphone, etc. ; quitter le monde, se déraciner de tout ça, se mettre en route pour et avec Dieu ; s’abandonner à la Providence… voir la beauté de la Belgique. »
A ses côtés, Emanuele, vingt-et-un ans, est engagé auprès du chemin néocatéchuménal. Emanuele est plus habitué aux grands rassemblements catholiques, il réalise un pèlerinage par an, et a participé aux JMJ de Lisbonne en août 2023 ; pour lui, Foy-Notre-Dame, c’était un « pèlerinage vocationnel ». Alors qu’il éprouvait le doute concernant sa foi, il nous confie avoir « recommencé à prier avec ce pèlerinage ». Foy-Notre-Dame lui a fait « reprendre des forces. »
Emanuele et Quentin ont des parcours différents, mais semblables. Ils font partie de cette génération née aux débuts du millénaire, dans un monde largement sécularisé, où la religion se pratique en famille, dans le privé, pour ne pas dire en secret. Ils font cependant aussi partie de cette première génération depuis longtemps à observer une hausse substantielle du nombre de baptêmes et un retour à la tradition. Au contact de ces deux jeunes, l’observation reste cependant la même : comment expliquer le succès et cet attrait pour la messe saint Pie V ? Quentin l’atteste : « Deux tiers des tradis que je rencontre sont des convertis ; de tous milieux, il y a des bourgeois de bonne famille, des ouvriers, des classes moyennes. C’est une église dans toute sa diversité. » Lorsqu’on lui pose la question de son intérêt pour ce rite, il nous admet « C’est grâce aux tradis que j’ai trouvé la foi. (…) Dans la messe tridentine, on sent la grandeur de Dieu ; c’est fait pour élever le fidèle, ça m’a édifié ; c’est la première fois que je me suis confessé. »
Et c’est sans doute ce qu’il y aura à retenir de Foy-Notre-Dame, du retour des baptêmes et des conversions, de cette nouvelle popularité des pèlerinages : les attentes d’une jeunesse. Une jeunesse qui veut rencontrer Dieu, en expérimenter les mystères, mais différemment que ses aînés… avec davantage d’intensité et dans d’autres modalités. Une jeunesse qui chante « comment ne pas te louer ? » au Hope Happening, et une jeunesse qui prie à genoux le Confiteor. Tels sont les deux profils d’une même face. Une Eglise au visage pluriel, synodale, qui ne doit pas craindre de dialoguer, de marcher ensemble. Comme nous en exhortait le Saint-Père lors de sa visite à Koekelberg : « Il est bon, voire nécessaire, qu’il y ait, parmi les jeunes, des rêves et des spiritualités différentes. (…) L’unité dans l’Église n’est pas uniformité, mais elle consiste à trouver l’harmonie des diversités ! » Bref, une Eglise soucieuse de la protection de toutes ses minorités, et de la diversité de ses traditions. Voici ce vers quoi nous nous dirigeons.
En guise de conclusion, rien de plus vrai que les mots d’Emanuele : « On est tellement étouffés dans nos sociétés par toutes les informations ; on ne se rend pas compte que chacun à l’intérieur de soi a un questionnement profond, et on ne s’ouvre pas assez à l’extérieur. » Des mots qui pourraient être ceux de sa génération. Le cri de la jeunesse qui fera l’Eglise de demain ; et qui, en attendant, renforce sa foi sur la route de Foy, en compagnie de Notre Dame.
Thibauld MENKE