Partager
Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
16 avril 2025
Catégories
Type
Quand l’espérance repousse les limites. Pèlerinage au cœur de la pastorale des personnes en situation de handicap
L’expérience des Chemins d’Ariane de Ciney
À Ciney, les Chemins d’Ariane (anciennement l’I.M.P. Enfant Jésus) sont le « chez soi » de 340 personnes en situation souvent de lourd handicap, qui y sont accueillies avec une humanité bouleversante. La devise de l’Institut, inspirée de saint Augustin « Aimer et le dire par sa vie … Hier, aujourd’hui, demain» traduit cette aspiration des « Chemins », reçue de leurs fondatrices, les Pauvres Sœurs de Mons, à être un lieu où chacun est reconnu comme un véritable vis-à-vis, capable de donner et de recevoir, de croître et de s’épanouir dans des relations humaines authentiques et un cadre de vie familial. En cette année jubilaire, nous vous proposons de partir en pèlerinage dans deux de leurs services où se vit d’une manière toute particulière l’espérance : l’aumônerie et le Groupe Don Bosco.
L’aumônerie, un lieu ouvert à tous
L’aumônerie des Chemins d’Ariane est un espace où chaque personne, quelles que soient ses croyances, est accueillie et écoutée. À la suite de Christian Salenson, prêtre et théologien français, elle cherche à articuler, au quotidien, les deux occurrences du mot « catholique » : une foi avec une identité et une ouverture à tous. Pour un certain nombre de résidents, la prise en compte de leur spiritualité ou de leur foi est importante. La prière pour un proche permet d’être en lien avec lui, de lui témoigner de l’amitié…
Lors des messes, repensées pour être accessibles, la chapelle devient un espace de lumière et de fraternité. Là, les mots soigneusement choisis, les gestes simples et les chants rassemblent une communauté fervente, laissant éclore une authenticité rare et touchante. L’aumônerie est aussi aux côtés des familles qui le souhaitent.
L’ouverture aux paroisses et écoles environnantes est une priorité : les enfants du catéchisme de Haversin viennent ainsi partager des célébrations avec les résidents et partent avec eux en pèlerinage à Beauraing, tandis qu’une dizaine d’écoles organise des retraites scolaires aux Chemins d’Ariane. Cela permet aux uns et aux autres, d’élargir leurs horizons relationnels, de tisser de nouvelles amitiés, de croitre en humanité. Pour les élèves, c’est souvent une expérience très forte, qui les aide à construire leur identité de jeunes adultes, citoyens d’un monde solidaire. Pour les Chemins d’Ariane, c’est une façon d’honorer leur responsabilité sociétale et de contribuer à une société plus inclusive.
Une pastorale du passage et de la mémoire
Au cœur de la vie de l’aumônerie, la pastorale des funérailles revêt une importance particulière, avec des rites propres. L’accompagnement des défunts et de leurs proches se veut plein d’espérance et de réconfort humain. L’annonce du décès donne lieu à un faire-part personnalisé où l’on évoque la vie et les qualités du défunt. Un temps d’arrêt apprécié des équipes. Les obsèques elles-mêmes sont marquées par des gestes forts : écrire sur le cercueil, déposer une fleur en se souvenant du disparu, fixer un rameau de buis sur la croix, choisir avec attention les lectures… Autant de signes d’une liturgie parlante qui cherche à faire mémoire, à honorer la relation et à rejoindre chacun dans l’instant présent.
« C’est la relation qui est centrale »
Vincent Faber, théologien et coordinateur du volontariat, souligne un point clé : « c’est la relation qui est centrale. On a souvent le réflexe de dire que c’est la personne qui est au centre, mais elle est au sein d’une relation qui la fait exister. Le mot AIMER revient souvent. Il est fort et juste ? Il exprimer ce lien. Il est lieu de croissance » groupe Don Bosco : des jeunes animés par un esprit fraternel
Le groupe Don Bosco : des jeunes engagés pour la fraternité
Depuis 2008, le groupe Don Bosco réunit une quarantaine de jeunes de 14 à 27 ans, venus d’horizons divers – de l’enseignement spécial à la faculté de philosophie et letres – pour partager des moments d’amitié avec des résidents de leur âge. Des journées récréatives, des week-ends, des camps… sont organisés tout au long de l’année. La grande originalité de ce mouvement de jeunesse est d’être porté par des jeunes qui pensent toutes les activités pour des jeunes, leur donnant un caractère aussi normalisant que possible. Sur une piste de danse ou dans une piscine, qu’on soit résident ou jeune bénévole, on ressent les mêmes émotions, la solidarité en plus.
Ce vendredi après-midi, ils sont une vingtaine de jeunes bénévoles à se préparer : on vérifie les sacs, on rassemble le matériel, on charge le car. Ils sillonnent les chemins de l’Institut reconnaissables aux foulards bleus et blancs : « Attention à ne pas oublier les brassards pour la piscine » se souvient Maude bénévole depuis 12 ans. Dès demain, 69 personnes embarqueront, dans un véritable cœur à cœur, pour deux jours exceptionnels au cœur des Ardennes.
Laly, en rhéto, revient pour la troisième année. Son foulard est orné des badges de ses nombreuses participations : « Je suis venue la première fois avec des copines, mais l’année suivante, je suis revenue seule… j’avais d’autres amis. Et très vite je ne faisais plus de différence entre les résidents et les accompagnateurs… ». Une dimension de fraternité et une éthique de non-jugement animent le groupe. Elles permettent très rapidement d’être à l’aise, de laisser tomber les masques et de pouvoir être soi-même. Entendre Laly, rassure Maddison, 14 ans, qui part pour la première fois avec le groupe sur une proposition de sa maman. Sarah est également une habituée. Elle a connu le groupe via l’école. Son oncle est en situation de handicap. « J’ai toujours été sensibilisée, alors je me suis dit pourquoi pas ? » D’autres, comme Chloé, ont même choisi d’orienter leur carrière en fonction de cette expérience : elle se forme aujourd’hui comme éducatrice spécialisée. Il y a encore, Zoé, Eva etc… Ils sont heureux de se retrouver. Heureux de retrouver leurs amis des Chemins d’Ariane : Théo, Claire, Lucas… qui voudraient déjà monter dans le car pour vivre cette aventure qui, sans nul doute, leur procurera beaucoup de bonheur.
Une pastorale diaconale, porteuse d’espérance
L’abbé Ambroise Longi est une figure emblématique du groupe, le confident des jeunes et des résidents. Vincent Faber explique : « Il y a ici une attente de transcendance, dans les deux sens du terme : la recherche de quelque chose qui dépasse et qu’on nomme et localise comme on veut, et une quête de sens dans l’engagement auprès d’un public marqué par la vulnérabilité »
N’est-ce pas là le message de l’Évangile : une invitation à l’amour et à la relation ? Au cœur du Jubilé de l’Espérance 2025, l’engagement de ces équipes résonne comme un témoignage lumineux : car, au fond, aimer et le dire par sa vie… c’est bien là l’essentiel.
Infos : www.volontariatcda.be
Christine Gosselin