Partager
Auteur
Christine Gosselin Auteure
Date
22 janvier 2025
Catégories
Jeunes
Type
La Maison Heureuse « Dunes et Bruyères » (Ciney) accueille les tout-petits en difficulté
Au cœur de Ciney, la pouponnière Dunes et Bruyères offre un refuge aux tout-petits en situation de précarité. Dirigée par Annie Van Lierde, cette maison d’accueil spécialisée prend soin d’enfants de 0 à 6 ans lorsque leurs familles traversent des crises profondes. Une mission essentielle et pourtant souvent méconnue qui continue l’histoire commencée par l’Œuvre Nationale des Colonies Scolaires Catholiques au Château de Serinchamps depuis 1949.
Le 17 décembre dernier, la douzième édition de l’opération de solidarité Viva For Life débutait et les trois animateurs de la RTBF étaient enfermés dans le célèbre cube de verre pour une semaine intensive de récolte de fonds. C’est l’objectif de l’événement ! Cette année l’organisation soutenait les associations qui luttent contre la pauvreté infantile. Plus de 80 000 enfants de 0 à 6 ans – un chiffre que l’on sait sous-estimé – vivent en situation de précarité en Wallonie. Quand des études nous répètent que les 1000 premiers jours d’un enfant sont décisifs pour son développement ultérieur, voici un constat qui fait froid dans le dos ! Ces enfants qui vivent en situation de précarité (quelle qu’en soit la raison) se retrouvent pour certains, quand ils sont connus des services sociaux, dans des services d’aide à la jeunesse. Il en existe une panoplie et pourtant un écart de plus en plus grand se creuse chaque année davantage entre l’offre disponible et la demande toujours croissante
Notre rencontre avec Sœur Marie-Claire Mélot, présidente de Justice et Paix (Namur), nous avait dévoilé l’existence de Dunes et Bruyères (Château de Serimchamps), qui accueillait à plus ou moins long terme des enfants précarisés auxquels Sœur Marie-Claire avait donné cours quelques années. Une page Facebook des « anciens du Château, raconte en de nombreux témoignages, tout ce que ce séjour au château leur a apporté et comment il a changé le cours de leur vie. Dans les années 80, cependant, faute de moyens, le Château avait dû fermer ses portes. Qu’étaient devenus les enfants qui ne pouvaient rentrer chez eux ?
Ils ont été accueillis par l’abbé Gerratz (prêtre du diocèse de Liège) fondateur de La Maison Heureuse dans les années 50. Aujourd’hui, l’asbl La Maison heureuse compte plus de 15 Maisons d’aide et de protection à/de la jeunesse pour les jeunes de 2,5 ans à 18 ans; des maisons maternelles pour les jeunes mamans célibataires, des maisons pour les jeunes en difficultés à partir de 12 ou 13 ans, et deux pouponnières (de 0 à 6 ans) dont une à Ciney, Dunes et Bruyères, que l’abbé Gerratz – qui ne savait pas dire non – a sauvé de la fermeture » relate l’abbé Klinkenberg, président de l’asbl depuis le décès inopiné de l’abbé en 2001. Il avait compris avant beaucoup que le temps des grands orphelinats était révolu et qu’il fallait offrir des structures plus petites. »
Des conditions difficiles
« Ces maisons sont maintenant subsidiées par la Région wallonne et l’ONE, explique Mme Van Lierde, directrice de la pouponnière Dunes et Bruyères. Nous accueillons aujourd’hui 17 enfants. Une petite structure par rapport au Château qui comptait 90 filles et autant de garçons dans ses dépendances ».
Le Service d’Accueil Spécialisé de la Petite Enfance (SASPE) Dunes et Bruyères, les prend en charge jusqu’à leur 6 ans lorsque la famille est en situation de crise. Une situation normalement temporaire (12 mois maximum, sauf dérogation) qui vise à permettre à l’enfant de vivre au mieux ce temps difficile pour lui, tout en restant en lien avec sa famille en vue d’un retour dès que possible. « Cependant les retours en familles sont de plus en plus rares et les dérogations pour allonger l’accueil monnaie courante. Certains enfants restent 4 ou 5 ans chez nous en attente d’un autre projet, confie la directrice. Et pour ne pas séparer les fratries, nous accueillons aussi des enfants de plus de 7 ans… Il y a une recrudescence de problèmes de santé mentale – voire psychiatriques – chez ces parents, souvent assez jeunes, mais qui ne reçoivent pas de soin, ni même d’accompagnement. Les enfants doivent composer avec des parents qui n’ont pas la possibilité physique ou mentale de s’occuper d’eux et ne l’auront peut-être jamais ».
Certains seront accueillis en famille d’accueil, d’autres en services résidentiels pour jeunes. D’autres encore, lorsqu’il n’y a de « place » ni d’un côté, ni de l’autre, transitent dans des services résidentiels d’urgence (SRU), familles d’accueil d’urgence (45 jours max dans les deux cas) ou attendent dans les services pédiatriques d’un hôpital général, sans nécessiter pour autant de soins hospitaliers.
Mais de soins, tout cour, qu’on se soucie d’eux, ces enfants en ont besoin, ! Et c’est ce qu’Annie Van Lierde et son équipe mettent un point d’honneur à leur offrir quand ils arrivent à Dunes et Bruyères. Annie Van Lierde : « Il y a de plus en plus de demandes et de demandes pour des bébés. En 2024 plus ou moins 180 demandes n’ont pu être rencontrées… »
Une mission de cœur
C’est en 1997, après quelques déménagements que Dunes et Bruyères s’installe à la rue du Commerce dans la jolie maison – une ancienne banque – avec un grand jardin à deux pas du centre-ville. Une situation qui facilite beaucoup la vie des enfants et des éducateurs ; les éventuelles visites des parents également puisque les moyens de transport en commun leur permettent d’accéder facilement à la maison. « Venant de la campagne rochefortoise, la transition vers la ville n’a pas été facile » se souvient celle qui fait partie des murs depuis 42 ans. À Serinchamps où Mme Van Lierde est arrivée comme jeune éducatrice, les enfants avaient plus d’espace pour courir et un magnifique parc de plusieurs hectares pour inventer des jeux à n’en plus finir. « Ici nous sommes plus à l’étroit, mais l’ambiance entre les enfants, moins nombreux, est chaleureuse. L’encadrement a également bien changé. Nous avons aujourd’hui une équipe composée d’éducateurs spécialisés, de puéricultrices, d’une assistante sociale et depuis peu d’une psychologue à mi-temps… Nous aimerions encore l’agrandir avec un mi-temps de psychomotricienne. Avec cette équipe de professionnels nous essayons de construire un foyer chaleureux, de travailler sur le respect de soi et des autres, une valeur qui ne va pas de soi, tant psychologiquement que physiquement, lorsque si petit on a déjà vécu tant de choses difficiles. Maltraitance, négligence vont souvent de pair avec troubles de l’attachement. On essaie de ‘stimuler’ les enfants, parfois négligés depuis leur naissance, pour qu’ils puissent récupérer des bases pour s’intégrer au mieux dans une société quelquefois bien clivante. On tente de faire en sorte que les enfants ne soient pas confrontés trop durement à la différence des milieux. Notre mission est de les accompagner, de les aider à grandir. »
Des moyens limités
Et il faut accomplir cette mission les moyens du bord. Outre des subventions de l’ONE, l’asbl Maison Heureuse peut recevoir des dons, et chacune de ses implantations se démène pour trouver les fonds lui permettant de réaliser des activités avec les enfants, des travaux dans la maison ou encore de se procurer des moyens de transport pour tous ces petits résidents. Avec 17 enfants accueillis, le minibus 9 places est un peu « court » !
Les enfants vont dans deux écoles différentes. Une école de village à Leignon et l’école de la Providence. Pour permettre aux enfants de s’y rendre, une institutrice du village vient elle-même chercher les enfants à la pouponnière pendant que les autres sont conduit à la Providence.
Dunes et Bruyères reçoit aussi des vêtements du voisinage : « on fait très attention à ce que les enfants soient bien habillés, aient les cheveux bien coupés. Bref… à ce qu’on ne puisse pas leur coller une étiquette « institution » sur le dos. Nous veillons à leur intégration. De la même manière, nous essayons qu’ils sortent le plus possible pour ne pas grandir « sous bulle » : patro, goûter d’anniversaire chez des copains de classe, excursions à Chevetogne … C’est toute une organisation. Mais c’est possible ! La priorité c’est le bien-être des enfants » !
Et l’équipe ne lésine pas pour cela. Pour collecter des fonds, elle s’engage dans toutes sorte d’activités dans la région : tenir les entrées aux fééries du parc avant Noël, un stand à la tombola de la Saint-Eloi, le rotary pour le spectacle et les jeux de la Saint-Nicolas etc…
Mais il reste tant à faire : « changer le mobilier des chambres qui devient vétuste, installer une plaine de jeux pour les tout-petits, acquérir un minibus 9 places et renforcer notre équipe en engageant une psychomotricienne… »
Un engagement sans faille
Annie Van Lierde est directrice depuis trois ans, mais « dans la maison depuis quarante-deux ». Une longévité extraordinaire dans un secteur difficile qui connait souvent un turn-over important. Ce secteur, Annie le connait bien et en a vu de toutes les couleurs. Mais elle reste sans autre explication que la passion pour ce qu’elle fait : « On y croit, cela a du sens. Bien-sûr, on voudrait faire plus. On voudrait que l’issue soit plus positive… mais on n’a pas de baguette magique. Il y a le bonheur de voir l’évolution de l’enfant du moment où il arrive jusqu’au moment où il part, la joie de voir un sourire s’épanouir sur un visage ou de recevoir un bisou, la douceur de sentir une petite main qui se glisse en confiance dans la sienne » … Autant de signes d’une espérance qui est bien vivante !
Si vous voulez soutenir cette belle mission, vous pouvez faire un don à l’asbl Maison Heureuse, IBAN : BE27 0680 6346 2073, communication : « Ciney ».
Christine Gosselin