Dans la revue diocésaine Communications, l’abbé Bruno Robberechts, doyen de Leuze, propose chaque mois une sélection de quelques livres sortis récemment. Vous trouverez ci-dessous les dernières recensions publiées… Les livres présentés dans cette rubrique sont en vente dans les deux librairies CDD du diocèse à Arlon et à Namur ainsi que sur leur site web.

L’insolence des miracles

Didier VAN CAUWELAERT, L’insolence des miracles, PLON, Paris, 2023, 263 p.

L’insolence des miracles

Le lecteur qui ne croit pas aux miracles trouvera dans ce livre tout autant que celui qui y croit. En effet, Didier Van Cauwelaert, sans chercher à convaincre mais à travers l’exploration de ce qui nous dépasse, tente de réconcilier l’esprit critique et l’ouverture à l’émerveillement. En passant par Lourdes, Padre Pio, Yvonne-Aimée ou Charbel Makhlouf, il rejoint des cas inclassables comme Natuzza Evolo, Emile Zola ou une musulmane miraculée lors d’un pèlerinage à La Mecque, il n’oublie pas Carlo Acutis et certaines personnes restées dans l’anonymat. Toutes témoignent à leur manière du chemin que le Seigneur s’est frayé en elles, des difficultés rencontrées mais aussi de la joie de répondre « oui » à Celui qui les interpelle dans leur vie de tous les jours. Racontant ce qu’ont vécu des miraculés, prêtant voix à des témoins, l’auteur nous permet de les rejoindre dans leur histoire. Les enquêtes scientifiques, médicales sont examinées et les relations avec le Vatican détaillées. Pourquoi depuis 1858, alors que la médecine a reconnu plus de 7200 cas de guérisons inexpliquées à Lourdes, l’Église n’en a-t-elle retenu seulement que 70 ? Comment en arrive-t-on à reconnaître un miracle et pourquoi en refuse-t-on un autre ? Pourquoi des miracles deviennent-ils de numéros de dossier en attente et pourquoi trop de miracles peut être un frein à leur reconnaissance ? Toutes ces questions trouvent des réponses dans une étude approfondie accompagnée de sérieuses références. Toutes les révélations qu’apporte cet ouvrage bousculeront peut-être le lecteur mais sans doute l’auteur veut-il montrer comment l’insolence des miracles provoque notre raison.

À l’école du doute. Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi on pense faux

Marc ROMAINVILLE, A l’école du doute. Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi on pense faux, PUF, Paris, 2023, 212 p.

À l’école du doute. Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi on pense faux

Notre époque semble avoir abandonné une notion classique de vérité. Un esprit critique doit pourtant permettre de renouer avec elle plutôt que de s’enfermer dans un credo particulier. Avec l’importance du doute, l’ouvrage fait prendre en compte le fonctionnement de notre esprit toujours prêt à se laisser enténébrer par des biais cognitifs dont le premier : il est difficile d’accepter ce qui vient désavouer ce qu’on s’était construit comme position. En ne visant encore que ce biais cognitif, dit de confirmation, on comprend bien la tactique des médias qui nous proposent à l’aide d’algorithmes, des pages en consonance avec ce qu’on aime entendre. L’éducation au doute, une pédagogie de la métacognition, rend sensible à ce qui vient embrouiller nos facultés cognitives. Il ne s’agit pas de se voir imposer une autre vérité. Le niveau « méta » risquerait de ne pas mener à un esprit critique si la démarche n’était pas ancrée dans un domaine de réalité. C’est à propos de quelque chose qu’il convient d’apprendre à quelqu’un à penser. Une réflexion sur la teneur des informations actuellement ô combien surabondantes s’impose alors que notre cerveau est plus sensible à ce dont il faut se méfier. Dans un monde qui a perdu pas mal de repères, l’esprit critique doit permettre de résister face à des explications faciles et réconfortantes et il suppose un devoir d’examiner, il implique un effort sans lequel perd sa consistance une liberté de penser.

Les racines juives de Marie, Dévoiler les mystères de la mère du Messie

Brant PITRE, Les racines juives de Marie, Dévoiler les mystères de la mère du Messie, traduit de l’américain par Xavier Géron, Artège, Paris, 2023, 233 p.

Les racines juives de Marie, Dévoiler les mystères de la mère du Messie

Si la Bible est assez discrète sur Marie, la tradition biblique permet de donner de la consistance à la place de la mère de Jésus. L’auteur a voulu répondre de la dévotion portée à Marie. Depuis la Genèse à l’Apocalypse, en se référant également à des écrits chrétiens de l’antiquité, il va chercher de quoi tenir que les propos sur Marie sont riches et cohérents. Pitre associe ainsi la figure de Marie à des images comme celle de la femme de l’Apocalypse, à des figures comme Eve ou Rachel, ou à encore à ce que signifie l’arche de l’alliance. Mais qu’on dise de Marie qu’elle soit reine, Mère de Dieu, ou refuge n’enlève pas qu’elle est une personne qui a pu souffrir et donc être sensible à ce que vivent les personnes qui la prient. Comme l’auteur qui dût répondre aux interpellations d’un pasteur qui le soupçonnait d’idolâtrie, découvrons que ce qui concerne notre foi sur Marie est intimement lié à ce que nous croyons de Jésus et que les propos que nous tenons de Marie s’enracinent solidement dans l’Ancien Testament. Benoît XVI lui-même ne disait-il pas que l’image de Marie est entièrement tissée à partir des fils de l’Ancien Testament ?

Un concile qui ne porte pas son nom. Le synode sur la synodalité. Voie de pacification et de créativité

Christoph THEOBALD, Un concile qui ne porte pas son nom. Le synode sur la synodalité. Voie de pacification et de créativité. Salvator, Paris, 2023, 188 p.

Un concile qui ne porte pas son nom. Le synode sur la synodalité. Voie de pacification et de créativité

Christoph Theobald a travaillé très souvent sur Vatican II et sa réception, et il observe ici la mouvance que le pape François a suscitée en proposant à l’Église de vivre un synode sur la synodalité. L’observation se fait en référence aux textes de Vatican II et aux principaux documents émanant du processus synodal actuel. Synode, synodalité : les termes doivent être mis au clair car ils n’ont pas attendu François. L’attitude à laquelle renvoie le terme - marcher ensemble – est d’ailleurs bien présent dans la Bible. Ceci dit bien que les démarches synodales peuvent être regardées comme une manière de faire du chemin en parcourant les situations en même temps que les Écritures, avec une attention nouvelle, sans doute plus large, aux attitudes qui s’en nourrissent et les répercutent dans le quotidien. C’est aussi une manière d’entrer dans un vrai dialogue, de se faire attentif à la voix de tous les fidèles, s’ouvrant à autre chose, s’il le faut encore, pour que se rejoignent la réponse à l’évangile et une position d’autorité. Le changement vient aussi de ce que cette posture synodale n’est pas seulement un événement mais qu’elle est bien une part constitutive de l’Église, de sorte que le synode n’est pas un événement particulier parce que l’Église se doit d’être synodale au quotidien. L’auteur invite à tirer des conséquences de ce renversement qui demande une conversion personnelle et institutionnelle, où l’Église pourrait trouver la clé pour une nouvelle page de son histoire.

L’invention de la famille occidentale

Thomas HERVOUËT, L’invention de la famille occidentale, Salvator, Paris, 2023, 297 p.

L’invention de la famille occidentale

Les temps changent et devant la famille occidentale traditionnelle, certains sont incrédules ou dédaigneux : comment imaginer des hommes et des femmes se liant exclusivement l’un à l’autre pour la vie entière ? Pour aborder cet immense ensemble que constitue, à travers les siècles, la « famille », Hervouët choisit la littérature. Car elle semble propice pour franchir cet obstacle que le plus intime peut rester obscur par manque du recul nécessaire. Le parcours passe par Homère, par la Bible avec Abraham et Joseph, par le Cid de Corneille et par Marivaux, entre autres. D’une appartenance qu’on lui aurait reconnue dans l’ordre de la nature, la famille a pu sembler relever de la transmission d’un pouvoir patriarcal dont il est temps de sortir. Joseph, homme de foi et père bien peu ordinaire, sera pris à témoin d’une sainte Famille où la question du futur d’une famille humaine laisse toute place à un autre enjeu, le salut du genre humain. Faisant allusion à Hitchcock et au cinéma, il est fait référence à des mises en lumière artificielle, alors qu’il est une autre lumière plus authentique où homme et femme peuvent se tenir intégralement en présence l’un de l’autre. Ce livre rend sensible aux lieux où cette lumière peut poindre et la famille en est un quand se renouvelle le don réciproque dans l’amour.

Paul de Tarse, l’enfant terrible du Christianisme

Daniel MARGUERAT, Paul de Tarse, L’enfant terrible du Christianisme

Paul de Tarse, l’enfant terrible du Christianisme

Daniel Marguerat, exégète qu’on ne présente pas, entend ici exhumer la vie de Paul alors qu’on pourrait rester sur l’impression des portraits impressionnants qu’on a dressés de lui. Retrouver Paul en deçà de ce qu’on a fait de lui demande de traverser deux millénaires de lecture de ses textes, et même au travers des récupérations qu’on a faites de ses arguments pour des combats qui n’étaient pas du tout les siens. La théologie de Paul, loin d’être une doctrine monolithique, est née du brasier qu’a été sa vie. Ses écrits, ses lettres, l’ont rendu présent à distance, dans une culture marquée par l’oralité, alors que les premiers chrétiens attendaient la fin du monde. Sa pensée formulée dans des lettres reprend une visée doctrinale, elle a une portée morale qui s’ajoute à l’amitié qu’entretient la lettre. Mais la lettre n’est pas tout ce qui a forgé une image de Paul. Une narration amplifiée de ses hauts faits ont fait circuler une sorte de légende paulinienne. Paul a pris conscience de son rôle comme apôtres des nations, au-delà des questions particulières sur lesquelles il intervient par ses lettres. Ce qui a fait déborder son message des occasions qui l’avaient suscité. Cela dit encore l’importance de l’impact de Paul à travers différents héritages qu’on peut lui reconnaître. C’est à travers tout cela que ce livre nous invite à rencontrer un Paul sous bien des traits souvent méconnus.

La vie comme nourriture. Pour un discernement eucharistique de l’humain fragmenté

Francys Silvestrini ADAO, La vie comme nourriture. Pour un discernement eucharistique de l’humain fragmenté, Editions Jésuites, préface de Christoph Theobald, Bruxelles, 2023, 563 p.

La vie comme nourriture. Pour un discernement eucharistique de l’humain fragmenté

Dans une thèse de théologie originale, l’auteur a puisé à la culture brésilienne et dans le contexte de l’Église sud-américaine une leçon pour ce qu’on voit se répéter avec la post-modernité : la pluralité et la fragmentation. C’est une crise anthropologique, qui marque le passage de l’ancien au nouveau. Et il faut chercher de quoi fonder une unité plus forte, au niveau du sens. Par les différentes forces qui sont capables de faire vivre l’Église brésilienne, on peut aussi y parler d’une possible fragmentation. Par l’Eucharistie, un regard contemplatif s’ouvre à un autre sens de l’histoire, comme quand vient Jésus ressuscité dans l’épisode des disciples d’Emmaüs. L’auteur met en honneur le goût et la gastronomie et l’importance de ce qui se dit et se vit à table, il y a là une formidable parabole qui parle de ce qui construit, de ce qui rassemble alors qu’une crise affecte le sens de la vie. Le repas mystagogique est suggéré comme source de sagesse pour des repères auxquels se rallier pour dépasser la crise d’une humanité ou d’une Église fragmentées.

Le processus synodal, un chemin d’évangélisation

Isabelle MOREL (sous la direction de), Le processus synodal, un chemin d’évangélisation, Cerf (Patrimoines), Actes du XIème colloque international de l’ISPC tenu à Paris du 27 février au 1er mars 2023, Paris, 2023, 248 p.

Le processus synodal, un chemin d’évangélisation

Qui a participé à la phase continentale du synode sur la synodalité a eu cette conviction que c’était là un moment historique pour l’Église. L’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique a saisi l’occasion pour étudier le processus synodal et son importance lors d’un colloque en mars 2023. Cette publication en reprend les contributions. Toute une réflexion théologique montre l’importance de faire des pratiques synodales déjà en cours un lieu théologique. La synodalité se nourrit d'une articulation entre pratiques pastorales et réflexion théologique sur ces pratiques. Le dialogue est important dans la synodalité, il s’agit d’apprendre à s’écouter, à dialoguer, à discerner. Une conversion personnelle et communautaire permet ainsi de mieux écouter ensemble ce que l’Esprit dit à l’Église et cela transforme la manière d’évangéliser. La pratique synodale comme processus d’évangélisation, ce fut donc la question développée par un ensemble de participants montrant une bonne diversité. Une réflexion sur une dynamique qui laisse de la place pour de nouveaux sujets actifs dans l’Église, en ne manquant pas le cercle vertueux entre synodalité et évangélisation.

Le Notre Père, présentation de François Dupuigrenet Desroussilles

Simone WEIL, Le Notre Père, présentation de François Dupuigrenet Desroussilles, Bayard, Paris, 2022, 76 p.

Le Notre Père, présentation de François Dupuigrenet Desroussilles

Simone Weil a écrit ce commentaire du Notre Père en 1942, un an avant sa mort. Au moment où se posait pour elle la question du baptême, elle avait du mal avec la notion de catholicité, car pour elle le christianisme est catholique en droit mais pas en fait pour ne pas être le réceptacle universel. Sa prière est alors celle d’une Église invisible, non confessionnelle. Elle se méfiait aussi du patriotisme dont l’Empire romain devenu chrétien aurait pu semer le germe dans l’Église. Sa pratique religieuse était la récitation en grec du Notre Père dans une attitude où elle se devait à une attention aussi grande que possible, et le désir de faire tendre à la perfection cette attention est prière. Cela suppose le renoncement à soi-même et à son imaginaire, on est alors plus disponible pour s’adresser à Dieu.

Dieu après la peur

Martin STEFFENS, Dieu après la peur, Salvator, Paris, 2023, 172 p.

Dieu après la peur

Philosophe, Martin Steffens permet de distinguer dans le registre de la peur, ses différentes formes et la crainte qui y est apparentée. Chrétien, il nous permettra aussi de recevoir la crainte comme un don de Dieu, il nous fera explorer la notion de crainte pour en percevoir la nécessité dans nos relations avec Dieu, avec les autres, et même de la concevoir en Dieu, dans la relation entre le Père et le Fils. La crainte est une manière de faire de la place à l’autre et elle va avec l’humilité de reconnaître l’importance de l’autre. Dans un monde où l’on aurait tendance à faire oublier la crainte, on la perd comme issue à travers les peurs qui réapparaissent de plus belle avec les soucis. Désacraliser est une manière de bannir la crainte mais pas les peurs. Comme l’exemple des peurs de manquer des biens matériels, qui vont avec les soucis desquels Jésus veut nous libérer. Le capitalisme montre à l’inverse l’exemple d’une sorte de religion où l’argent est le « chiffre », le signe qui évalue nos soucis et par là nos entraves. Des propos qui permettent de redécouvrir que la crainte est bien un don.

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