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À Bernister, tout près des HautesFagnes, une ancienne bâtisse servit d’ermitage à un moine sorti de sa communauté après des sombres affaires. Le Père Élisée vint donc s’y établir tout donné à la prière, en accueillant quelques fidèles pour la messe célébrée à la chapelle. Par une correspondance qu’il proposa à un commissaire intervenu dans l’affaire de sa communauté, les notes de ses recherches spirituelles et de la vie en retrait qu’il mena ont permis cette publication. Des péripéties et des questions de subsistance dans ce cadre de vie sommaire émergent les fruits d’une quête existentielle de ce religieux. Ainsi «la solitude, confie-til, est un questionnement perpétuel. Elle ne laisse pas en paix contrairement à ce que croient ceux qui ne s’y confrontent pas. Nous sommes des êtres changeants, ambigus, véritables kaléidoscopes de passions, de désirs, de regrets. Ceux qui se retirent du monde ne cherchent peutêtre rien d’autre qu’une improbable unité dans ce chaos en eux. » Le lecteur sera touché par le ton de confidence de cette histoire qui prit fin avec la mort du Père Elisée en 1989.

On préfère parfois le témoignage oral quand il s’agit de découvrir des personnes qui ont vécu d’intenses expériences. Dans son émission « Un cœur qui écoute » sur KTO, Cyril Lepeigneux accueille ainsi des personnes dont les paroles bousculent et motivent. Parce que cela peut toucher un public autre que les téléspectateurs de KTO, c’est donc sur papier que les témoignages sont accessibles. Le livre reprend une grosse vingtaine de passages à l’antenne, et chaque histoire offre une histoire de rencontre avec Dieu qui ne peut que reposer une question comme « et pour toi, comment Dieu agit-il ? L’as-tu déjà rencontré?» Des questions comme celles-ci apparaissent à la fin de chaque témoignage, comme autant d’invitations, surtout, à se rendre disponible à sa rencontre.

La vie chrétienne ne repose pas sur des principes trop clairs, décalés par rapport à la vie parfois complexe. Elle n’expose pas à l’insatisfaction de n’en faire jamais assez, comme si c’était un manque d’amour. La vie chrétienne nous invite à faire ce que nous pouvons faire pour Dieu et le prochain. Et nos capacités dans cette voie sont à revoir à la hausse : même si le contexte peut être inquiétant, troublant, l’amour nous précède. Saint François de Sales, à l’école de qui ce livre nous met, ne cesse de nous faire découvrir la source qu’est l’amour de Dieu dans un message qui nourrit l’espérance et dans le langage plein de douceur de saint François de Sales. Plus nous comprenons combien Dieu nous aime et comment il nous aime, plus nous devenons capables d’aimer les autres de la même manière, à notre mesure. Nous découvrons qu’il nous faut avoir soin des autres comme Dieu a soin de nous. L’ouvrage reprend de nombreux passages de saint François de Sales, de quoi redécouvrir cette magnifique figure spirituelle.

Que la tradition religieuse ne fige pas le dynamisme d’une vie animée par le désir du Royaume. Plutôt que de craindre l’anarchisme comme une menace aux repères religieux, ne peut-on y voir une source de renouveau spirituel et politique ? Le christianisme et l’anarchisme partagent une affinité : tous deux rejettent une loi figée au profit d’un engagement vivant. Jésus dénonçait l’hypocrisie d’une observance qui éteint la mystique. L’action politique, régénérée par l’amour et la justice, retrouve son sens dans l’expérience du désir de justice. Proudhon, Pascal et le pape François, dans Fratelli Tutti, montrent combien justice et charité doivent s’unir. Construire la paix et la justice s’enracine dans la foi, à la suite du Christ, qui accomplit la loi en la renouvelant contre toute injustice.

L’Occident a cru devenir la référence mais plusieurs cultures/civilisations se rencontrent à présent dans un débat ou un combat culturel contre l’Occident. Elles récusent l’individualisme, l’émancipation tout azimut. Il y a dans ces cultures aujourd’hui, l’idée que la postmodernité occidentale suscite un monde faux et invivable, dans lequel les individus sont privés de leurs enracinements indispensables. On a quitté le temps où les droits de l’homme se comprenaient dans un contexte personnaliste. Le cœur de la transformation est sans doute dans la désaffection de l’humanisme. Chantal Delsol, philosophe, analyse avec finesse cette remise en cause de l’hégémonie culturelle de l’Occident et nous permet de mieux comprendre notre monde en relisant les combats idéologiques en cours.

L’homme moderne a dévoré l’espace. Mais les limites terrestres se rappellent bien souvent à lui. L’auteur, maraîcher et philosophe, est fort d’une intuition : la réponse au changement climatique se trouve dans une alliance entre tradition et révolution, plutôt que dans une bataille culturelle entre les deux. Aujourd’hui, nous avons besoin de trouver des gestes qui s’inscrivent dans la durée pour ne pas brûler comme des feux de paille. Il invite à exprimer notre relation au monde par des communs, comme l’eau et la terre, mais aussi le feu, ou un certain sens du feu à l’encontre des combustions qui animent les machines. Les énergies fossiles sont porteuses d’une mémoire qui nous dépasse. Entretenir un feu ressemble à l’attitude de garder une mémoire, accordée à une écologie du temps. Dans celle-ci, qui incite à sortir d’un phénomène général d’accélération, la poésie est une attitude salutaire, un discours qui n’implique, on peut le remarquer, aucune mise en œuvre économique ou technologique. La poésie permet plutôt le relâchement nécessaire à une contemplation, elle est plutôt comme une suspension du temps.

Fabien Revol est directeur du Centre Jean et Hélène Bastaire d’écologie intégrale. Il propose une méditation des textes de l’année liturgique sous l’angle de l’écologie intégrale développée dans l’encyclique Laudato Si. Pour les personnes qui se reconnaissent dans l’appel lancé par Laudato Si, il peut être bon de redécouvrir combien la parole de Dieu offerte à travers les lectures de l’année liturgique est une source qui donne un appui aux démarches qui prennent soin de la Création. Pour les prédicateurs ou les équipes liturgiques, ce livre permettra aussi de ne pas manquer à l’occasion d’un dimanche, de souligner la pertinence d’une attention à la Création. Sans être des homélies, les méditations offertes élargissent ce que touche la Parole créatrice du Seigneur, parole de Salut et annonce d’une création nouvelle. Une manière aussi de nourrir, semaine après semaine, la vocation du chrétien d’aujourd’hui à être témoin d’une espérance dans un monde touché par diverses crises, parmi lesquelles celle qui se dit par la clameur de la terre et la clameur des pauvres.

Une image vaut mieux que mille 1000 mots. Dans la ligne de Jésus qui enseignait en paraboles, le père Rousselot nous fait faire le tour de la foi grâce à des images, grâce à des histoires qui font fonctionner notre imagination, qui suscitent des émotions, qui nous déplacent dans des situations où mieux comprendre ce que croire signifie, où redécouvrir la force de compter sur la présence de Dieu. La foi nous invite à un déplacement au-delà de ce qu’on peut imaginer, mais notre imagination peut devenir propice, dans la vie spirituelle, à mieux saisir des attitudes ou des vies où parlent le pardon, la persévérance, l’amour. La petite histoire est souvent introduite pour porter tout son sens, complétée au besoin par l’un ou l’autre épisode biblique, elle fait donc entrer dans une autre histoire où s’écrit notre chemin avec le Seigneur, notre accueil de la Bonne Nouvelle.

De novembre 2020 à janvier 2021, Bruno Latour a relu sa thèse de doctorat, Exégèse et ontologie, contenant un chapitre inédit sur l’évangile de Marc. Cette démarche permet de comprendre l'importance de la parole religieuse dans son parcours intellectuel. Latour insiste sur le caractère transformateur et non descriptif du discours religieux, qui doit provoquer un changement et une conversion. Il critique la déconnexion de la religion d’avec le monde contemporain et propose une approche qui lie spiritualité et questions écologiques, en valorisant le respect de la création comme un outil de discernement éthique et spirituel. Dans sa thèse, Latour reste fidèle à des principes méthodologiques qu'il développera dans ses travaux ultérieurs. Il s’intéresse à l’ontologie, non comme une réflexion abstraite sur l’être, mais comme une exégèse de textes révélant une manière d’être. Il analyse notamment l’évangile de Marc, dont le style et les transitions surprenantes mettent en lumière une transformation profonde. En comparant Marc à des œuvres comme celles de Saint-John Perse, Péguy ou le film Psaume Rouge de Miklos Jancso, il montre comment le texte suscite un éveil à une intensité spirituelle. L’évangile, par ses récits et son style, invite le lecteur à être transformé, à entrer dans un mouvement de renouvellement et de vie que Jésus incarne, au-delà d'une simple croyance.

Quelle écologie ? Sauver la planète, protéger l’environnement, retrouver une harmonie avec la nature… Quand on se réfère à la Création, à la grandeur des œuvres de Dieu que chantent les psaumes, on dépasse une vision purement cosmique pour entrer dans l’événement du Salut. Le progrès attendu tourne parfois au pillage ; c’est alors le style de la tragédie qui peut nous inspirer. Non pas une tragédie de la fatalité, mais une histoire de salut et de surabondance de la grâce. L’écologie à la mode vise à préserver la nature, mais une autre demande est plus exigeante : « Hâtez le jour de Dieu. » Méditer la relation entre écologie et eschatologie invite à voir au-delà de la dévastation et à espérer un monde transfiguré.